Vingt ans après la refonte du Code de la famille, jugée progressiste mais insuffisante, les militantes des droits des femmes au Maroc placent leurs espoirs dans la nouvelle réforme pour surmonter les injustices et discriminations à l'égard des femmes. Cependant, cette réforme rencontre l'opposition des islamistes. Lire plus
Les
associations de défense des droits des femmes marocaines ont plusieurs
revendications clés pour cette réforme : l'égalité dans l'héritage, la tutelle
des enfants – y compris en cas de divorce – et l'interdiction totale du mariage
des mineures. La réforme du Code de la famille, annoncée pour le printemps
2024, est attendue avec beaucoup d'anticipation.
En 2004, le
Maroc a adopté un Code de la famille qui accordait davantage de droits aux
femmes. Ce code plaçait la famille sous la responsabilité conjointe des deux
époux et imposait des restrictions à la répudiation, au mariage des mineures et
à la polygamie. Cependant, malgré ces avancées, des lacunes persistent, nécessitant
une nouvelle réforme.
Le projet de
réforme a été initié par le roi Mohammed VI, qui a appelé en 2022 à dépasser
les défaillances révélées par l'expérience du terrain. En réponse, un comité
composé du ministre de la Justice et de responsables des institutions
judiciaires et religieuses a été formé en septembre 2023 pour mener les
consultations et préparer un projet de réforme dans un délai de six mois. Fin
novembre, ce comité avait déjà reçu des propositions de plus d'un millier d'associations,
ainsi que de partis politiques et d'institutions officielles.
L'instance
chargée de la révision du Code de la famille a présenté plusieurs
recommandations de réforme au chef du gouvernement.
La
suppression de la distinction entre le divorce et la répudiation (talaq), en
optant pour un système de divorce judiciaire unique.
Une réforme
approfondie des lois sur l'héritage est recommandée. Elle propose d’accorder au
détenteur du patrimoine la liberté de choisir entre le testament et l’héritage,
d’exclure la résidence conjugale du domaine de la succession, et de reconnaître
le droit d’usufruit au conjoint survivant. De plus, elle préconise d’étendre
les droits des filles en l’absence de frères, de supprimer la discrimination
religieuse comme obstacle à l’héritage, et de criminaliser la privation
d’héritage fondée sur le sexe.
Les
recommandations visent à instaurer un partage plus équitable des charges familiales,
suggérant que les époux partagent conjointement la charge de subvenir aux
besoins de la famille dès la date du contrat.
La
reconnaissance de la tutelle légale commune des parents pendant le mariage ou
après sa dissolution est proposée, avec des pouvoirs égaux pour la mère et le
père en matière de surveillance et de gestion du tuteur légal.
La
simplification des procédures de certification du mariage est également
recommandée.
Face à ces
recommandations progressistes, les partis islamistes manifestent une vive
opposition, particulièrement concernant la question de l'héritage. Ils restent
réticents à tout changement, malgré l'évolution de la société et les
difficultés rencontrées par de nombreuses femmes.
Le nouveau
code de la famille au Maroc représente une opportunité cruciale pour surmonter
les injustices et discriminations persistantes à l'égard des femmes. Bien que
les résistances soient fortes, notamment de la part des courants islamistes,
les recommandations proposées par l'instance de révision reflètent une avancée
vers une plus grande équité et justice sociale. Le succès de cette réforme
dépendra de la capacité à naviguer entre les espoirs des militantes des droits
des femmes et les résistances politiques et culturelles.