L'Afrique de l’Ouest, région historiquement marquée par des défis politiques et sécuritaires, traverse depuis deux décennies une période de bouleversements majeurs. Les coups d’État militaires se sont multipliés, traduisant une instabilité institutionnelle chronique. Si la France a longtemps joué un rôle dominant dans la région, sa présence contestée a laissé un vide que d’autres acteurs, comme l’Algérie et la Russie, ont tenté de combler. Cependant, l’incapacité de ces puissances, notamment l’Algérie, à proposer des solutions durables a aggravé la recomposition sécuritaire dans cette région stratégique. (Plus)
Au début des années 2000, la France, forte de ses accords bilatéraux hérités de l’ère coloniale, s’imposait comme le principal garant de la sécurité dans la région. Avec l’opération Serval en 2013, suivie de l’opération Barkhane, Paris visait à enrayer la montée du terrorisme jihadiste au Sahel. Cependant, malgré des succès initiaux, ces interventions ont suscité un rejet croissant. Le sentiment anti-français, alimenté par les échecs à endiguer la menace terroriste et les accusations de néocolonialisme, a érodé l’influence française. Ce désengagement progressif a ouvert la porte à de nouveaux acteurs régionaux et internationaux, parmi lesquels l’Algérie semblait avoir un rôle naturel à jouer.
Malgré son positionnement géographique, l’Algérie n’a pas su capitaliser sur sa proximité pour s’imposer en Afrique de l’Ouest. L’accord de paix d’Alger de 2015, visant à résoudre la crise malienne, semblait initialement prometteur. Cependant, l’Algérie a échoué à maintenir son influence sur les parties signataires, et l’accord s’est progressivement délité. En 2024, les groupes armés signataires de l'accord ont repris les hostilités, fragilisant encore davantage la situation sécuritaire au Mali. Le gouvernement algérien, en proie à des crises internes, notamment une économie vacillante et une instabilité politique chronique depuis la chute d’Abdelaziz Bouteflika en 2019, n’a pas été en mesure de s’investir pleinement dans la résolution de ces conflits.
L'incapacité de l'Algérie à jouer un rôle de leader dans cette région contraste avec l’offensive diplomatique et militaire de la Russie. Depuis 2020, Moscou a réussi à s’imposer comme un acteur clé en exploitant le sentiment anti-français croissant. À travers des partenariats militaires et l’intervention de sociétés privées comme le groupe Wagner, la Russie a renforcé son emprise dans des pays comme le Mali et le Burkina Faso. Tandis que l’Algérie restait sur la défensive, prisonnière de sa diplomatie prudente et isolée, la Russie consolidait son influence, notamment en soutenant les régimes issus de coups d’État militaires.
Les récents putschs au Niger (2023) et au Burkina Faso (2022) ont davantage illustré la marginalisation de l’Algérie. Malgré ses ambitions déclarées de jouer un rôle stabilisateur, Alger a été largement absent des négociations et des initiatives visant à gérer ces crises. Même sa médiation dans les forums régionaux, comme l’Union africaine, n’a pas eu l’impact escompté. En parallèle, l’Algérie, bien qu’ayant proposé une médiation dans la crise nigérienne, n’a pas réussi à dépasser les déclarations d’intention, laissant la place à d’autres acteurs comme la CEDEAO et les initiatives russes.
Cette faillite de l’Algérie en Afrique de l’Ouest reflète les limites structurelles de son système politique et économique. La dépendance excessive aux hydrocarbures, combinée à un manque de diversification économique, a restreint sa capacité à investir dans des initiatives diplomatiques ou sécuritaires ambitieuses. De plus, l’instabilité interne et la montée des tensions sociales liées à la stagnation économique ont détourné l’attention des dirigeants algériens des enjeux régionaux.
En 2024, l’Afrique de l’Ouest demeure dans une situation critique. Les attaques jihadistes se multiplient, et les populations civiles subissent les conséquences directes des recompositions politiques et sécuritaires. Si la France recule, la Russie avance, tandis que l’Algérie, bien qu’historiquement liée à la région, échoue à s’imposer comme un acteur crédible. À terme, cette marginalisation pourrait affaiblir encore davantage son rôle dans la géopolitique africaine, laissant le champ libre à des puissances extérieures et exacerbant les fractures déjà existantes dans la région.