Les récentes déclarations de Sergueï Lavrov sur le Sahara
occidental illustrent une diplomatie russe profondément ancrée dans le
pragmatisme cynique. Affirmer soutenir le droit à l’autodétermination tout en
offrant une assistance au Maroc reflète une tentative de maintenir des liens
avec deux camps opposés, un stratagème habituel pour un pays cherchant à
maximiser son influence dans des régions géopolitiquement sensibles. Cette
double position n’est pas nouvelle : elle rappelle la politique russe au
Moyen-Orient, où la Russie, grand soutien du
dictateur syrien renversé, aux côtés duquel, elle a participé aux massacres en Syrie, ce qui ne l’empêche
pas de se déclarer être un ami du peuple syrien, une dichotomie qui ne trompe
personne et qui alimente la méfiance. (Plus)
Ces positions apparemment paradoxales ne sont pas des maladresses, mais des outils intentionnels pour maintenir un levier diplomatique. En cultivant des discours ambivalents, la Russie s’assure une flexibilité qui lui permet de s’adapter rapidement à des évolutions géopolitiques imprévues. Toutefois, ce cynisme ne manque pas de saper davantage sa crédibilité internationale déjà érodée. Aux yeux de tous, ce manque de valeurs cohérentes, est perçu comme un opportunisme pur et simple.
L’agressivité russe, notamment à l’égard de ses voisins comme l’Ukraine, s’inscrit dans une fuite en avant provoquée par un isolement croissant sur la scène internationale. Les sanctions économiques, l’isolement diplomatique et l’image dégradée du Kremlin ont poussé la Russie à multiplier les provocations, notamment par des positions et des déclarations contradictoires. L’indignation russe face aux déclarations de Trump d’annexer le Canada, le Groenland et le canal de Panama contraste avec ses propres annexions de territoires en Ukraine ou ses revendications à peine voilées sur d'autres anciens satellites soviétiques.
Le cynisme russe trouve ses limites dans la méfiance croissante qu’il suscite. Si cette stratégie peut apporter des gains immédiats, elle affaiblit la Russie à long terme en aliénant des partenaires potentiels. Les alliances de circonstance, comme celles forgées avec des régimes autoritaires en Afrique ou en Asie, ne suffisent pas à compenser la défiance des grandes puissances ou des organisations internationales. À titre d’exemple, l’approche ambiguë de la Russie au Sahara occidental risque de limiter son influence en Afrique du Nord, une région où elle tente de se positionner comme alternative à l’Occident.
Ce cynisme reflète également une peur profonde de ne plus pouvoir maîtriser les dynamiques internationales. La Russie, autrefois superpuissance reconnue, voit son influence remise en question, notamment par la montée de la Chine et l’unité occidentale renforcée face à ses agressions. Sur le plan interne, les défis économiques et sociaux amplifient cette anxiété. Les discours paradoxaux de Lavrov et d’autres responsables russes peuvent ainsi être interprétés comme des manifestations de cette peur : en cherchant à contrôler plusieurs récits à la fois, la Russie révèle son incapacité à imposer une vision unique et crédible.
En conclusion, le cynisme russe, bien qu’il soit un outil stratégique efficace à court terme, menace de saper la position du pays à long terme. Ce double discours, illustré par des déclarations sur le Sahara occidental, la Syrie ou encore les États-Unis, risque de nuire à son image et d’accélérer son isolement. La Russie se trouve aujourd’hui à une croisée des chemins : persister dans cette posture cynique ou repenser ses approches diplomatiques pour regagner une légitimité internationale remise en question.
