
Rien ne va plus entre Alger et Paris. Les relations algéro-françaises n'ont jamais semblé aussi déteriorées depuis les années 1990.
Expulsions croisées de diplomates, réduction sévère des canaux consulaires, accusations d’espionnage et de cyber-ingérences, contentieux mémoriels relancés, tensions sécuritaires sur fond de coopération anti-terroriste en recul, tout contribue à instaurer un climat glacial entre les deux pays.Mais au-delà des tensions apparentes, ce refroidissement diplomatique chronique agit comme le révélateur d’instabilités internes, surtout du côté algérien, où l'État semble de plus en plus fracturé.
Côté français, La ligne "fermeté vis-à-vis d’Alger" est devenue un marqueur consensuel, notamment sur le plan des expulsions, du contrôle des visas et du suivi des binationaux perçus comme "à risque".
Pour les autorités algériennes, la rhétorique anti-française et le grief mémoriel continuent d’être activés de manière cyclique pour masquer l'absence de réforme et canaliser la colère sociale. Le système en place, issu de la façade électorale de 2019 et renforcé après les législatives de 2024 largement boycottées, s'appuie encore sur une alliance instable entre présidence, hauts gradés militaires et appareils sécuritaires. L'affrontement avec la France reste un exutoire commode.
Depuis plusieurs mois, l’Algérie vit au rythme des purges internes. En 2024, pas moins d'une douzaine de hauts gradés, dont d’anciens chefs de région militaire et ex-dirigeants des services de renseignement, ont été arrêtés ou placés sous surveillance. Ces arrestations, souvent sans procès ni explications publiques, alimentent les spéculations sur une guerre de clans au sein de l’armée et du renseignement.
Ce climat de suspicion permanente empêche toute stabilité durable du régime. La présidence, affaiblie depuis l’AVC du président Tebboune fin 2024, semble prise en otage par des factions militaires rivales, certaines proches des anciens réseaux du DRS, d'autres favorables à une forme de "civilianisation" du pouvoir, mais toujours dans le cadre autoritaire.
Les affaires d’espionnage et d’agents infiltrés se sont multipliées depuis début 2025. Alger accuse désormais formellement Paris d’entretenir des relais de surveillance via des ONG et des journalistes accrédités, tandis que la France affirme que les services algériens ont tenté d’infiltrer certaines structures communautaires en banlieue parisienne. Le climat est celui d’une guerre froide moderne, faite d’opérations de désinformation, de cyberattaques ciblées et de diplomatie de l’ombre.
Les tentatives de relance du dialogue bilatéral, amorcées début 2024 sous médiation espagnole et qatarienne, ont toutes échoué. La France conditionne toute avancée à des garanties sur les flux migratoires et la sécurité régionale, tandis qu’Alger exige des excuses mémorielles et un respect de sa "souveraineté absolue". Ce dialogue de sourds n’a plus d’espace viable.
En l’absence de transition politique crédible en Algérie, les tensions devraient perdurer. La fragilité du pouvoir civil, la férocité des luttes internes au sommet de l’armée, la récession économique persistante et l’absence de toute ouverture démocratique rendent improbable toute détente sincère. Le système algérien, en crise existentielle, a besoin de conflit pour exister. À moyen terme, une normalisation ne pourra émerger que si l’Algérie recompose ses institutions sur des bases stables, transparentes et inclusives. D’ici là, Alger restera l’ otage de ses fantômes… et de ses appareils sécuritaires.
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