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24 mai 2025

INTERNATIONAL : Ukraine ; Une guerre idéologique ou stratégique ? Par Gali Amidot

Publié par G. Amidot  le24/5/2024

 

  Depuis le début de l’invasion russe en février 2022, Vladimir Poutine justifie la guerre par une prétendue mission historique : réunifier les terres russes et corriger l’« erreur » géopolitique de la disparition de l’URSS.

Ce récit impérial masque toutefois des considérations stratégiques plus immédiates : empêcher l’Ukraine de rejoindre l’OTAN et l’Union européenne, contenir l’influence occidentale à ses frontières, et affirmer la Russie comme puissance centrale d’un nouvel ordre mondial multipolaire. En 2025, cette guerre n’est donc ni seulement impériale ni strictement défensive, mais une combinaison des deux dans une logique de domination régionale.
L’enlisement militaire n’a pas dissuadé le Kremlin de poursuivre la guerre. Au contraire, le conflit est devenu l’axe structurant du régime russe. Le pouvoir de Poutine repose désormais sur une mobilisation totale de l’économie et de la société autour de l’effort de guerre. Les répressions se sont intensifiées, les médias sont entièrement sous contrôle, et les élections sont devenues purement formelles. Poutine instrumentalise le conflit pour disqualifier ses adversaires internes, présenter toute opposition comme antipatriotique, et légitimer son maintien au pouvoir au-delà de toute limite institutionnelle.
En 2025, le conflit a franchi un cap historique avec l’engagement militaire ouvert de la Corée du Nord, qui a déployé depuis plus de quatre mois des unités de combat et du matériel en soutien direct aux troupes russes dans le Donbass et autour de Marioupol. Plus récemment, la Chine a franchi le pas, en engageant officiellement des conseillers militaires, des moyens de surveillance avancés, et du matériel logistique en Ukraine orientale, sous couvert de missions « humanitaires et de stabilisation ». Cette internationalisation du conflit en fait aujourd’hui un affrontement géopolitique à part entière entre puissances rivales.
Face à cette nouvelle donne, les pays européens ont renforcé leur coordination militaire et diplomatique, mais la fatigue de guerre est palpable. Les divisions internes réapparaissent entre les partisans d’une ligne dure et ceux prônant une solution diplomatique rapide. La Finlande, la Suède, et les pays baltes poussent à une défense renforcée du flanc est de l’OTAN, tandis que certains États du sud de l’Europe redoutent une escalade incontrôlable. Parallèlement, l’Europe tente d’affirmer une autonomie stratégique accrue, bien qu’elle reste dépendante des États-Unis pour l’essentiel des capacités militaires.
Depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier 2025, Donald Trump a adopté une politique ukrainienne marquée par l’ambiguïté. D’un côté, il a brusquement réduit l’aide militaire américaine directe à l’Ukraine, gelé plusieurs livraisons d’armes, et critiqué l’OTAN, suscitant la confusion et l’inquiétude chez les alliés européens. De l’autre, il a autorisé certaines entreprises privées américaines à fournir du matériel en échange de concessions économiques de la part de Kyiv, et a même exprimé son soutien à une « paix durable »… tout en laissant entendre que la Crimée pourrait rester russe. Cette posture contradictoire, mêlant isolationnisme, marchandage et improvisation, affaiblit la cohésion occidentale et embrouille les calculs des autres puissances. Pour Moscou comme Pékin, elle ouvre une fenêtre d’opportunité stratégique.
Le conflit en Ukraine est désormais le cœur d’une reconfiguration planétaire. Il structure les alliances, polarise les économies, et redéfinit les priorités militaires à l’échelle mondiale. L’axe Russie-Chine-Corée du Nord se consolide autour d’une hostilité commune à l’ordre libéral occidental. Les États-Unis, divisés politiquement, oscillent entre engagement minimal et diplomatie opportuniste. Les pays du Sud global – Inde, Brésil, Afrique du Sud – se positionnent en arbitres ambigus, misant sur le long terme. Dans ce contexte, la guerre en Ukraine n’est plus un simple théâtre régional, mais un révélateur des lignes de fracture du XXIe siècle.
En mai 2025, deux scénarios majeurs se dessinent. Le premier, pessimiste, envisage une guerre prolongée, indirectement mondiale, marquée par des interventions multiples, des affrontements par procuration et un glissement vers des zones grises comme le cyberespace ou l’espace. Le second, plus incertain, suppose l’émergence d’un compromis imposé par les grandes puissances, notamment par une médiation sino-américaine, mais ce scénario reste fragile tant que les objectifs des belligérants demeurent irréconciliables. Une certitude cependant : le monde d’après la guerre en Ukraine sera radicalement différent de celui qui l’a précédée — moins stable, plus polarisé, et profondément marqué par le retour de la force dans les relations internationales.

 

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