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14 juin 2025

INTERNATIONAL : Israël/Iran ; une guerre par-dessus la tête des autres- Par Gali Amidot

Publié par  G. Amidot le 14/6/2025

 

Depuis le 13 juin 2025, une nouvelle phase de confrontation ouverte s’est amorcée entre Israël et l’Iran, marquant peut-être un tournant historique dans une rivalité nourrie par des décennies de tensions idéologiques, régionales et stratégiques.

Cette guerre, cependant, ne ressemble à aucune autre : elle se déroule "par-dessus la tête des autres". Aucun terrain d’affrontement direct ne les unit, aucune frontière commune ne permet de déployer des troupes, et les pays qui séparent les deux belligérants refusent d’être utilisés comme théâtre d’opérations. C’est donc dans les airs, au-dessus de territoires tiers, que se joue cette guerre d’un nouveau genre, entre frappes ciblées, escarmouches aériennes et menaces de missiles à longue portée.

Les racines de l’hostilité entre l’Iran et Israël remontent à la Révolution islamique de 1979. Téhéran, depuis lors, a fait de l’hostilité envers Israël un pilier de sa politique étrangère, armant et soutenant des groupes comme le Hezbollah au Liban, le Hamas à Gaza ou les milices chiites irakiennes ou yémenites. Israël, en retour, a toujours considéré la République islamique comme une menace existentielle, notamment en raison de son programme nucléaire et de son réseau de proxies armés positionnés à ses frontières. Au fil des années, cette guerre indirecte s’est traduite par des opérations clandestines, des assassinats ciblés, des cyberattaques et des bombardements aériens sur des positions iraniennes en Syrie. Mais jamais le conflit n’avait franchi le seuil de frappes directes sur le sol iranien jusqu’à maintenant.

La frappe surprise du 13 juin 2025, baptisée par Israël « Opération Rising Lion », a profondément modifié l’équilibre stratégique. Des installations nucléaires en Iran, telles que celles de Natanz et Fordow, ont été sévèrement endommagées. Des centres de commandement, des bases militaires et des sites liés aux Gardiens de la Révolution ont été également visés. Si l’on en croit plusieurs sources occidentales, les pertes humaines dans les rangs iraniens seraient significatives, touchant notamment plusieurs hauts gradés du programme balistique. En retour, l’Iran a lancé plus d’une centaine de missiles et drones vers Israël. Mais la majorité ont été interceptés, grâce à la redoutable coordination entre le Dôme de Fer, le système Fronde de David et l’assistance américaine. Aucun des deux camps ne revendique une volonté de guerre totale, mais chacun entend affirmer ses lignes rouges.

Dans cette guerre aérienne, les pays situés entre les deux puissances — Jordanie, Irak, Arabie Saoudite, Oman — se retrouvent en première ligne… malgré eux. Refusant d’être des passerelles militaires, ils ont rapidement fermé leur espace aérien ou mis leurs armées en état d’alerte. La Jordanie, par exemple, a suspendu tous les vols civils au-dessus de son territoire. L’Arabie Saoudite, bien qu’historiquement alignée avec les intérêts israéliens face à l’Iran, a dénoncé une escalade dangereuse et appelé à la désescalade. Même les Émirats arabes unis, pourtant signataires des Accords d’Abraham, ont manifesté leur inquiétude, redoutant une extension du conflit aux infrastructures économiques du Golfe. Le Liban, affaibli et neutre malgré la présence résiduelle du Hezbollah, reste silencieux mais vulnérable.

La Turquie, fidèle à sa posture d’équilibriste, critique vivement Israël mais sans pour autant se ranger aux côtés de l’Iran. L’Irak, qui abrite plusieurs milices chiites pro-iraniennes, évite toute implication directe, déjà ébranlé par des tensions internes. Ces pays, tout en appelant à une désescalade, semblent surtout soucieux de ne pas devenir les dommages collatéraux d’un conflit qui les survole. Ils ne veulent ni servir de relais logistique, ni être pris pour cible, mais n’ont aucun levier pour arrêter cette guerre aérienne dont ils sont les spectateurs anxieux.

Les États-Unis, de leur côté, ont adopté une posture ambivalente. Officiellement, ils affirment ne pas avoir été impliqués dans les frappes israéliennes et appellent à la retenue. Pourtant, ils ont autorisé leurs systèmes antimissiles stationnés dans la région à intercepter les projectiles iraniens menaçant Israël, leurs propres bases ou le trafic maritime régional. L’administration Trump, tout en rappelant son engagement à protéger Israël, tente d’éviter un engagement militaire direct. Mais son influence réelle dans la région semble limitée face à la dynamique d’escalade.

Ce conflit, réduit à l’espace aérien, est hautement technologique. Il mobilise des satellites, des drones furtifs, des missiles balistiques à longue portée et des systèmes d’interception de dernière génération. Dans une guerre sans tranchées, chaque frappe vise l’effet psychologique autant que militaire : désorganiser, surprendre, humilier. Israël, fort de sa supériorité technologique et du soutien logistique occidental, entend maintenir une dissuasion crédible. L’Iran, de son côté, mise sur l’endurance, les réseaux asymétriques, et la pression indirecte via ses alliés régionaux.

Trois scénarios se profilent. Le premier, le plus souhaitable, verrait une stabilisation rapide après l’échange de frappes, avec un retour au statu quo stratégique. Le second, plus dangereux, impliquerait une escalade maîtrisée, où l’Iran réactiverait ses proxies (comme les Houthis ou les milices chiites irakiennes) pour frapper des cibles israéliennes ou occidentales. Le troisième, plus dramatique, conduirait à un conflit ouvert, impliquant les États-Unis et d’autres puissances, risquant de bouleverser les marchés pétroliers, les équilibres régionaux et d’ébranler profondément les régimes en place.

Pour Israël, cette opération offre un regain de popularité au sein d’une population épuisée par les guerres à Gaza et dans le Nord. L’opinion publique, pour l’heure, soutient largement cette démonstration de force. Mais une guerre prolongée, même dans les airs, pourrait peser lourdement sur l’économie et sur la crédibilité internationale de l’État hébreu. Pour l’Iran, c’est une question de survie politique : le régime tente de galvaniser l’unité nationale, mais il pourrait être confronté à des soulèvements internes si la crise économique, déjà sévère, s’aggrave avec les sanctions et les pertes militaires.

En somme, cette guerre par-dessus la tête des autres incarne parfaitement la nouvelle grammaire des conflits modernes. Un affrontement sans terrain, sans théâtre de guerre identifiable, mais aux conséquences réelles et aux lignes rouges floues. La paix ne pourra émerger que si chacun des protagonistes accepte de renoncer, ne serait-ce que temporairement, à ses illusions de victoire totale. Or, ni Téhéran ni Jérusalem ne semblent prêts à cela aujourd’hui.



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