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06 juillet 2025

BILLET : Guerres en cours, la population civile n’est pas une victime collatérale- Par A. Laalioui

        A. Laalioui  06/07/2025

 Kaleidoscope

Depuis quelques années, un tournant inquiétant semble marquer les conflits contemporains : les guerres ne se contentent plus d’atteindre indirectement les civils, elles les visent désormais de manière délibérée.

Autrefois qualifiées de "victimes collatérales", les populations civiles apparaissent aujourd’hui comme les premières cibles de la violence armée, dans ce qui ressemble de plus en plus à une stratégie assumée de destruction sociale et psychologique. Les guerres en Ukraine et à Gaza en sont les exemples les plus tragiques et les plus révélateurs.

En Ukraine, depuis l’invasion russe lancée en février 2022, les civils sont devenus les otages d’une guerre d’attrition qui ne distingue plus entre objectifs militaires et infrastructures civiles. Hôpitaux, écoles, centrales électriques, quartiers résidentiels : rien n’échappe aux bombardements. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme estime le nombre des victimes à  plus de 12 605 tués et 29 178 blessés depuis le début du conflit, un chiffre probablement en deçà de la réalité, compte tenu de l’ampleur des destructions dans certaines zones comme Marioupol, Bakhmout ou Kharkiv. Les armes à sous-munitions, les frappes sur les centres urbains sans alerte préalable, et les attaques ciblant les périodes de grand froid – pour priver les populations d’électricité et de chauffage – révèlent une volonté d’épuisement et de terreur. L’Ukraine offre ainsi le visage d’une guerre où l’élimination de la résistance passe aussi par l’asphyxie du quotidien.

Mais c’est peut-être à Gaza que la brutalité contre les civils a franchi un seuil encore plus effarant. Depuis l’automne 2023, dans le cadre de la guerre déclenchée après l’attaque du Hamas le 7 octobre, l’offensive israélienne a provoqué une catastrophe humanitaire majeure. À la date de juillet 2025, on dénombre plus de 56 000 morts parmi les civils palestiniens, selon les autorités sanitaires locales. Ce chiffre, stupéfiant, s’explique par l’ampleur des bombardements, mais aussi par une pratique encore plus sinistre : le ciblage de civils venus chercher de la nourriture. Depuis plusieurs mois, des centaines de Gazaouis ont été tués aux abords de centres de distribution d’aide humanitaire, notamment ceux gérés par la Gaza Humanitarian Foundation, soutenue par les États-Unis et Israël. L’épisode du "Massacre de la farine", le 29 février 2024, au cours duquel 118 personnes ont été abattues alors qu’elles attendaient un sac de denrées, n’est malheureusement pas isolé. Cette tendance s’est confirmée depuis cette date par des attaques de civils affamés, effectuées à balles réelles ou au moyen de drones, et qui sont devenues fréquentes, transformant l’accès à l’aide vitale en une entreprise mortelle.

Peut-on encore parler de droit international ? Les Conventions de Genève, qui stipulent l’obligation de protéger les populations non combattantes, semblent désormais obsolètes. La guerre devient un théâtre où la violence contre les civils n’est plus un accident mais un levier stratégique. À Gaza, la famine est utilisée comme instrument de contrôle. En Ukraine, la destruction des infrastructures vise à briser le moral d’un peuple entier. Dans les deux cas, les civils paient le prix d’une logique de guerre totale, où l’anéantissement psychologique est aussi recherché que la victoire militaire.

À force de brouiller les frontières entre combattants et civils, entre cible militaire et lieu de vie, on banalise l’inacceptable. Le danger, désormais bien réel, est que ces pratiques se généralisent dans d’autres conflits à venir, redéfinissant les normes de la guerre au détriment des principes d’humanité.



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