L’attitude des médias algériens à l’occasion de la CAN féminine 2025, organisée au Maroc ce mois de juillet, illustre à nouveau cette dérive aussi absurde que systématique : nier l’évidence, effacer le Maroc de la scène, et rendre compte d’un événement comme s’il se déroulait dans un no man's land.
Depuis le début de cette compétition continentale, à laquelle participe l’équipe féminine algérienne, les téléspectateurs algériens vivent une forme de retransmission fantomatique. Aucun média, qu’il soit public ou privé, ne mentionne explicitement le Maroc comme pays hôte. Les plans larges montrant les stades flambant neufs sont évités, les banderoles aux couleurs marocaines floutées, les logos des sponsors marocains masqués, et même les noms de villes comme Rabat ou Casablanca gommés du discours audiovisuel. Le Maroc, pays organisateur reconnu par la CAF, est ainsi réduit à une non-existence symbolique.
Au « pays du monde à l’envers », ce traitement grotesque n’est pas un accident isolé. Il s’inscrit dans une logique médiatique profondément verrouillée par le régime militaire algérien, où l’information n’est qu’un bras armé de l’idéologie officielle. Déjà en 2022, lors de l’épopée historique du Maroc à la Coupe du Monde au Qatar — première nation africaine à atteindre les demi-finales — les médias algériens avaient choisi l’amnésie sélective. À l’heure où l’Afrique et le monde arabe vibraient à l’unisson derrière les Lions de l’Atlas, les journaux télévisés algériens minimisaient les performances marocaines, taisaient les célébrations, et évitaient soigneusement de prononcer le nom du Maroc. L'événement devenait ainsi une victoire « arabe » ou « africaine », désincarnée de toute réalité géographique ou nationale.
Cette approche kafkaïenne de l’information — où l’on floute non seulement les images, mais aussi les faits — relève moins d’une maladresse que d’un projet idéologique assumé : effacer le Maroc de la carte mentale du public algérien. On pourrait en sourire si cela ne trahissait pas une dérive plus profonde, celle d’un pays où le journalisme n’est plus qu’un instrument de propagande, et où la vérité se plie aux injonctions politiques du pouvoir.
Il serait naïf d’attendre de la part de ces médias une quelconque indépendance. Tous ceux qui osent sortir du rang — journalistes libres, blogueurs ou éditorialistes critiques — subissent intimidation, censure, voire emprisonnement. L’Algérie d’aujourd’hui n’a rien à envier aux régimes autoritaires les plus rigides quand il s’agit de contrôle de l’information. Et dans ce climat étouffant, le Maroc devient la cible obsessionnelle d’un effacement méthodique.
Ce déni permanent traduit une réalité plus sombre : l’Algérie est enfermée dans une logique de confrontation avec pratiquement tous ses voisins dont notamment le Maroc. Le choix de nier le réel à travers les canaux médiatiques ne grandit pas le pays, il l’isole. Pendant que les nations africaines célèbrent une CAN féminine bien organisée, saluent la qualité des infrastructures marocaines, et se projettent vers un avenir sportif commun, l’Algérie se recroqueville dans un monde parallèle où l’hostilité prend le pas sur la vérité.
Au fond, cette posture n’est pas sans conséquence : elle prive le peuple algérien d’un regard lucide sur le monde, d’une possibilité de comparaison, de débat, de fierté partagée. Elle entretient une culture de la rancune, plutôt qu’un esprit d’émulation. Et surtout, elle révèle un malaise profond : celui d’un régime qui craint la réussite de l’autre plus qu’il ne croit en ses propres capacités.
SUIVEZ-NOUS SUR ▼▼
Découvrez d’autres analyses sur notre page d’accueil.