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26 juillet 2025

ÉCONOMIE : L’économie marocaine, quel bilan ? Par J. Hafati

        
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Auteur : J. Hafati 🗓️ Date : 26/07/2025

Kaleidoscope 

L’économie marocaine, en 2025, se présente comme un corps complexe en mutation, traversé à la fois par des dynamiques de modernisation et des fragilités structurelles persistantes.

Portée par une croissance modérée mais régulière, de l’ordre de 3,5 %, l’économie du Royaume s’inscrit dans une trajectoire de transition, caractérisée par des efforts de diversification sectorielle, une ouverture accrue sur les marchés mondiaux, et une volonté affirmée de s’ériger en acteur régional majeur. Pourtant, cette trajectoire est jalonnée de tensions, de déséquilibres internes et d’inégalités sociales qui questionnent la qualité même de cette évolution.

Le tissu économique marocain repose sur trois piliers principaux : l’agriculture, l’industrie et les services. L’agriculture, longtemps considérée comme le socle de l’économie nationale, reste fortement dépendante des aléas climatiques. Les épisodes récurrents de sécheresse ont mis en évidence la vulnérabilité du secteur, malgré une montée en puissance des exportations agricoles de produits à forte valeur ajoutée comme les avocats, les myrtilles ou encore les tomates. Cette orientation exportatrice, si elle témoigne d’une certaine performance commerciale, n’a cependant pas résolu le paradoxe d’une insécurité alimentaire croissante et d’une irrigation encore largement perfectible.

L’industrie marocaine, quant à elle, affiche des progrès notables. Le secteur automobile s’est imposé comme le premier exportateur du pays, avec des plateformes industrielles à Tanger et Kénitra qui attirent des investisseurs de premier plan tels que Renault ou Stellantis. L’aéronautique, concentrée autour de Casablanca, connaît également un développement rapide, intégrant progressivement des segments à plus forte valeur ajoutée. À cela s’ajoute l’industrie des phosphates, dominée par l’OCP, dont la stratégie de montée en gamme et de transition vers la chimie verte renforce le rôle du Maroc sur le marché mondial. Toutefois, certaines branches industrielles, comme le textile ou l’agroalimentaire, peinent encore à sortir d’un modèle fondé sur les bas salaires et l’externalisation peu qualifiée.

Le secteur des services représente désormais plus de la moitié du PIB. Le tourisme, après le coup d’arrêt provoqué par la pandémie de Covid-19, a repris des couleurs, soutenu par les pôles traditionnels de Marrakech, Fès ou Agadir. Parallèlement, les activités d’offshoring – en particulier les centres d’appels et les services numériques – ont connu une croissance soutenue, bien que concentrée sur des tâches peu complexes. Le secteur bancaire et financier, relativement développé, continue de s’implanter en Afrique subsaharienne, participant au rayonnement économique régional du pays.

La transition énergétique représente l’un des points forts du Maroc. Le Royaume affiche une ambition claire dans les énergies renouvelables, avec des projets emblématiques comme la centrale solaire Noor à Ouarzazate ou le parc éolien de Tarfaya. L’objectif de porter la part des énergies renouvelables à plus de 50 % du mix électrique d’ici 2030 semble atteignable, et la perspective de devenir producteur d’hydrogène vert ajoute une dimension stratégique à cette orientation.

Malgré ces atouts, les faiblesses structurelles demeurent. Le chômage, notamment chez les jeunes diplômés, reste élevé, autour de 12 %, et témoigne d’une inadéquation persistante entre le système éducatif et le marché du travail. Le secteur informel continue de représenter une part significative de l’activité économique, freinant la mobilisation fiscale et limitant la protection sociale. Les inégalités territoriales, sociales et de genre minent la cohésion nationale, et la justice sociale reste un défi majeur. Par ailleurs, la gouvernance publique souffre encore de lenteurs administratives, de clientélisme et d’un manque de transparence qui freinent la confiance des citoyens et des investisseurs.

Sur le plan macroéconomique, le Maroc maintient une relative stabilité, avec un déficit budgétaire sous contrôle, une inflation contenue autour de 4 %, et une dette publique voisine de 70 % du PIB. Les investissements directs étrangers sont dynamiques, en particulier dans les industries exportatrices et les énergies vertes, mais restent concentrés sur quelques régions et secteurs.

Dès lors, peut-on qualifier le Maroc d’économie émergente ? D’un point de vue technique, plusieurs indicateurs plaident en faveur de cette classification : croissance soutenue, diversification, intégration dans les chaînes de valeur mondiales, stabilité macroéconomique et infrastructure moderne (ports, TGV, zones industrielles). Pourtant, le niveau de vie demeure modeste, l’innovation limitée, et l’inclusion sociale incomplète. Le Maroc est donc sans doute mieux décrit comme une économie en transition vers l’émergence : un pays qui avance avec détermination, mais qui doit encore franchir des seuils qualitatifs majeurs pour consolider durablement son développement.

 




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