Le système économique actuel, qu’on
pourrait qualifier à la fois de capitalisme mondialisé et de consumérisme
exacerbé, a façonné une société où la consommation n’est plus un simple acte de
subsistance ou de confort, mais un mode de vie quasi imposé.
L’un des effets les plus visibles se retrouve dans la pression exercée sur les infrastructures. La multiplication des véhicules entraîne une saturation des chaussées, obligeant les pouvoirs publics à construire encore plus de routes et autoroutes, souvent au détriment des espaces naturels. Cette fuite en avant asphalte et béton contribue non seulement à l’artificialisation des sols, mais aussi à une empreinte carbone toujours plus lourde.
Dans le même esprit, l’accroissement de la construction immobilière pour répondre à la demande croissante de résidences secondaires, voire tertiaires, amplifie la pression sur les territoires. Les forêts, espaces verts et terres agricoles sont progressivement grignotés par une urbanisation effrénée qui transforme les paysages. Ces projets, souvent pensés pour un usage saisonnier, laissent derrière eux des zones bétonnées qui consomment eau et énergie, tout en réduisant la biodiversité. Ainsi, des espaces autrefois vivants et partagés se voient convertis en lotissements fermés, parfois désertés une grande partie de l’année.
À cela s’ajoute le tourisme de masse, symbole par excellence de cette mondialisation consumériste. Les voyages annuels, devenus quasi normatifs dans les classes moyennes, entraînent une affluence massive sur les territoires visités. Les sites naturels ou culturels, souvent fragiles, se voient littéralement submergés par des foules qui épuisent les ressources locales, en particulier l’eau, accentuant les tensions hydriques. L’accumulation des déchets, le bruit et la dégradation des lieux viennent compléter ce tableau inquiétant.
Les conséquences ne sont pas seulement écologiques, elles sont aussi sociales. Dans des pays comme le Maroc, l’arrivée saisonnière des touristes étrangers et des résidents marocains à l’étranger (RME) bouleverse l’équilibre des prix. Face à une demande décuplée, les petits commerçants participent, volontairement ou non, à la flambée des prix, alimentant une inflation ressentie de plein fouet par la population locale. Cette dernière se retrouve ainsi doublement pénalisée : par le coût de la vie qui s’alourdit, et par la sensation d’être dépossédée de ses propres espaces.
Ce phénomène nourrit aussi un sentiment diffus d’envahissement. Les habitants des régions touristiques, soumis à une canicule climatique mais aussi à une « canicule humaine », voient leur quotidien perturbé par cette présence pléthorique. Le tissu social se tend : les autochtones, censés bénéficier de cette manne touristique, en subissent au contraire les désagréments, tandis que les visiteurs repartent souvent sans conscience des impacts laissés derrière eux.
Ce modèle interroge donc la durabilité du système économique et sociétal. À force de vouloir répondre sans limite aux désirs de consommation des classes moyennes mondialisées, on creuse une dette écologique et sociale de plus en plus lourde. Loin de contribuer à un bien-être partagé, cette logique accentue les fractures et met en péril les équilibres environnementaux comme humains.
La question n’est plus seulement de savoir comment limiter les excès du tourisme ou de la consommation de masse, mais bien de repenser la logique globale qui a mené à cette spirale. Sans un changement de paradigme, les destinations touristiques risquent de devenir invivables pour leurs habitants, et les promesses de prospérité offertes par le capitalisme mondialisé se transformeront en fardeau collectif.
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