Le monde d’aujourd’hui n’est plus celui d’une mondialisation
triomphante et unifiée. Les équilibres qui avaient semblé s’imposer après la
guerre froide sont désormais remis en cause, laissant place à une dynamique de
fragmentation géopolitique sans précédent. 
Cette tendance se manifeste par la montée en puissance des souverainismes. Du Brexit aux mesures protectionnistes adoptées aux États-Unis, en passant par la stratégie industrielle européenne visant à limiter les dépendances critiques, les grandes puissances cherchent à reprendre la main sur leur destin. La pandémie de Covid-19 n’a fait qu’accélérer ce mouvement, révélant au grand jour la fragilité des chaînes d’approvisionnement mondialisées et l’urgence d’une autonomie stratégique.
Dans cette recomposition, de nouvelles alliances voient le jour tandis que d’anciennes structures sont repensées. L’AUKUS, alliance trilatérale entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, marque un tournant stratégique dans l’Indo-Pacifique face à la montée de la Chine. Le Quad, regroupant les États-Unis, l’Inde, le Japon et l’Australie, s’inscrit dans la même logique, combinant coopération sécuritaire, économique et technologique. Ces regroupements illustrent une mondialisation moins universelle et plus régionale, organisée autour d’intérêts convergents.
Pour autant, cette fragmentation ne sonne pas la fin de l’interdépendance mondiale. Les économies restent étroitement liées par le commerce, les flux financiers et les infrastructures numériques. Mais cette interdépendance est désormais sélective et sous conditions : diversification des partenariats, relocalisation de certaines productions, protection accrue des technologies critiques… autant de mesures visant à limiter les vulnérabilités face aux tensions géopolitiques.
C’est là tout le paradoxe : nous entrons dans une ère de « souveraineté fragmentée », où chaque État veut s’affirmer sans pouvoir totalement s’isoler. Les sanctions économiques, les restrictions technologiques ou les guerres commerciales deviennent les instruments privilégiés d’une compétition qui ne dit pas toujours son nom, mais qui façonne l’ordre international de demain.
Ce nouvel équilibre dessine un monde multipolaire, structuré autour de blocs parfois rivaux, souvent concurrents, mais toujours interdépendants. L’Occident resserre ses rangs face à l’axe Chine-Russie, tandis que des puissances régionales comme l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud revendiquent une autonomie stratégique. Dans ce contexte, les enjeux globaux – climat, énergie, régulation numérique – deviennent plus difficiles à traiter, chaque bloc privilégiant ses priorités au détriment du consensus.
Reste à savoir si cette fragmentation conduira à davantage de confrontation ou à une nouvelle forme de coopération pragmatique. La réponse dépendra de la capacité des États à conjuguer leurs impératifs de souveraineté avec l’inévitable réalité d’une planète toujours interdépendante.
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