La crise climatique s’intensifie et pousse chercheurs et
décideurs à explorer des solutions inédites. Parmi elles, la géo-ingénierie
occupe une place de plus en plus visible, notamment à travers des projets de
modification artificielle du climat.
Les premiers tests en conditions réelles, bien que très limités, cherchent à évaluer la faisabilité technique de la dispersion de particules dans la haute atmosphère. Des projets pilotes, comme ceux menés par certaines universités américaines ou suédoises, envisagent d’injecter des aérosols de dioxyde de soufre ou de carbonate de calcium pour reproduire artificiellement l’effet refroidissant observé après de grandes éruptions volcaniques. Ce type d’expérimentation pourrait offrir une réponse d’urgence dans le cas où les températures franchiraient des seuils critiques plus rapidement que prévu.
Cependant, la géo-ingénierie climatique soulève des inquiétudes majeures. La première tient à l’imprévisibilité des effets secondaires : modifier le rayonnement solaire pourrait perturber les régimes de mousson, modifier les cycles de précipitation ou encore affecter la couche d’ozone. Certaines régions pourraient bénéficier d’un refroidissement tandis que d’autres subiraient des sécheresses aggravées ou des inondations plus intenses. En d’autres termes, les conséquences pourraient être inégalement réparties et accentuer des inégalités déjà existantes.
Un autre enjeu central est celui de la gouvernance. Qui déciderait du moment, de l’ampleur et des modalités de mise en œuvre d’un tel projet planétaire ? La géo-ingénierie solaire, par son caractère transfrontalier, échappe aux cadres classiques de régulation internationale. Sans règles claires, un État ou même un acteur privé pourrait être tenté de lancer unilatéralement une expérience de grande envergure, ouvrant la voie à des tensions diplomatiques inédites.
Par ailleurs, certains scientifiques craignent que l’attrait pour ces technologies crée un « effet de distraction », en détournant l’attention des efforts prioritaires de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Miser sur une solution technologique perçue comme rapide et efficace pourrait servir d’alibi pour retarder les transitions énergétiques nécessaires. Or, la géo-ingénierie ne traite pas la cause du problème, mais seulement un de ses symptômes : la hausse des températures.
Pour autant, de nombreux experts estiment qu’il serait irresponsable d’écarter totalement cette piste. Dans un scénario d’urgence climatique où les seuils critiques seraient franchis, disposer d’une solution de dernier recours pourrait s’avérer vital. C’est pourquoi certains plaident pour un cadre de recherche transparent, internationalement supervisé, qui permette de mieux comprendre les risques et d’évaluer les bénéfices potentiels.
La géo-ingénierie solaire illustre le dilemme contemporain entre l’urgence climatique et les incertitudes éthiques, politiques et scientifiques. Si elle pourrait offrir un outil de stabilisation temporaire du climat, ses effets secondaires et ses implications géopolitiques exigent une vigilance extrême. Plutôt qu’une panacée, elle doit être envisagée comme une mesure de dernier recours, accompagnée d’une gouvernance mondiale solide et d’une poursuite résolue de la réduction des émissions.
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