Analyser la place de Donald Trump dans l’histoire en cours comme un éventuel « instrument » d’une fragilisation voire d’une chute du bloc occidental face au bloc russo-chinois relève d’une uchronie intéressante. Si Reagan a pu être perçu comme le catalyseur de l’effondrement soviétique, l’idée que Trump puisse incarner, par contraste, un élément de déstabilisation pour les États-Unis et leurs alliés mérite d'être exploré à plus d’un titre. Lire plus
Sous Trump, les relations des États-Unis avec leurs alliés européens se sont affaiblies, notamment au sein de l’OTAN. Ses critiques envers l’OTAN, qu’il considérait obsolète et coûteuse, ont révélé une approche transactionnelle des alliances. Cette rhétorique a suscité de l’inquiétude en Europe, surtout face à une Russie perçue comme menaçante depuis les guerres en Géorgie (2008) et en Ukraine (2014 et 2022).
En promouvant un certain isolationnisme, Trump a fragilisé la solidarité occidentale, offrant des occasions à la Russie et à la Chine d’exploiter ces tensions et de s'incruster dans les failles. Il a, dès le début de sa présidence, miné des institutions internationales cruciales pour le soft power américain. Par exemple, le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, de l’OMS, ou de l’accord sur le nucléaire iranien a eu des conséquences néfastes sur les U.S.A. Cela a non seulement affaibli le leadership américain sur des questions globales, mais a aussi permis à la Chine et à la Russie de combler certains vides laissés par les États-Unis.
Ces choix stratégiques de retrait ou de contestation du multilatéralisme ont eu des conséquences sur le « bloc occidental », forçant plusieurs pays européens à envisager des partenariats alternatifs, ou à renforcer leur propre autonomie stratégique
L’un des aspects les plus controversés de la présidence Trump a été son admiration ouverte pour Vladimir Poutine, qualifié de « grand leader », ce qui a engendré une certaine ambiguïté sur ses relations avec la Russie. En effet, Trump a toujours minimisé l’ingérence russe dans les élections de 2016, malgré les preuves fournies par la communauté de renseignement américaine.
Cette position pro-russe pourrait s’expliquer par des considérations idéologiques ou économiques, voire selon certains, par un « kompromat ». Toutefois, la perception d’une dépendance ou d’une sympathie vis-à-vis de Poutine soulève la question de l’impact d’un tel alignement pour la cohésion du bloc occidental.
Si Trump revenait au pouvoir, son approche pourrait accélérer la fracture entre les États-Unis et leurs alliés. Cela pourrait inclure un retour au protectionnisme, des négociations commerciales bilatérales défavorisant les partenaires traditionnels, ou une atténuation de l’engagement américain en Asie face à la Chine. L’appui à l’Ukraine pourrait être abandonné, ouvrant une brèche dans le flanc de l’Europe occidentale.
La rhétorique de Trump ces dernières années montre une position ambiguë sur le rôle des États-Unis comme leader global. En défendant des politiques protectionnistes et en se concentrant sur des intérêts strictement nationaux, il pourrait isoler davantage le pays, le rendant plus vulnérable aux avancées géopolitiques de ses concurrents.
Trump semble apprécier certains traits des régimes autoritaires, notamment leur efficacité apparente dans la prise de décision et la gestion de l’opposition. Son admiration pour des dirigeants comme Poutine ou même Xi Jinping pourrait révéler une inclination à affaiblir les institutions démocratiques pour assurer un contrôle accru, créant une sorte de « trahison intérieure » contre l'idéal démocratique du bloc occidental. Cela pourrait s’avérer dangereux pour l’unité et la résilience des États-Unis, l’exposant à une instabilité qui serait exploitable par leurs rivaux.
Par analogie avec le rôle de Reagan dans la chute de l’URSS, Trump pourrait en effet, d’une manière opposée, être le catalyseur d’un affaiblissement américain. Ses décisions passées et ses positions récentes illustrent un tournant vers le nationalisme et une distanciation de l’ordre libéral international que les États-Unis ont promu pendant des décennies. Loin de renforcer l’unité occidentale, ses orientations divisent, laissant la place à une Russie et à une Chine capables de s’imposer comme alternatives, derrière une façade du sud dit « global ».
La question demeure ouverte ; si l’histoire devait suivre un tel chemin, Trump serait-il considéré comme un acteur-clé du déclin de l’Occident, tout comme Reagan fut celui de la chute du bloc soviétique ? L’ironie géopolitique de cette perspective ne saurait être ignorée, même si elle est à nuancer en prenant en compte les nombreux autres facteurs structurels en jeu dans l’évolution des rapports de force globaux.
