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25 mai 2025

BILLET : Où en est-on des documents coloniaux français censés être remis au Maroc ? Par A. Laalioui

Publié par A. Laalioui le 25/5/2025

 
La promesse de la France de remettre au Maroc quelque 2,5 millions de documents d’archives liés à la période du protectorat est toujours, à notre connaissance, non tenue.
Ces documents dans lesquels seraient consignés en détail les redécoupages territoriaux opérés au détriment du Royaume, notamment dans le sud et l’est du pays, devaient être, selon un engagement officiel français confiés au Maroc. Cette perspective, déjà source de tensions, semble raviver de profonds différends historiques entre le Maroc et l’Algérie. Selon certaines sources de presse, ces archives confirmeraient non seulement les droits historiques du Maroc sur le Sahara atlantique, mais mettraient également en lumière la spoliation des territoires du Sahara oriental, intégrés de force à l’Algérie française au cours du XIXe siècle.

Il est aujourd’hui bien établi que durant la colonisation, en particulier sous le protectorat français imposé au Maroc entre 1912 et 1956, les autorités françaises ont procédé à des modifications arbitraires des frontières. Ces redécoupages, effectués sans consultation des populations locales ou du pouvoir central marocain, ont entraîné la perte progressive de vastes territoires sahariens historiquement liés au Royaume. Cette politique d’effritement territorial visait à affaiblir le pouvoir chérifien et à renforcer le contrôle stratégique de la France sur les routes commerciales et les ressources minières du Sahara. Des zones comme Tindouf, Béchar ou le Touat, historiquement intégrées aux sphères d’influence du Maroc, ont ainsi été administrativement rattachées à l’Algérie française, qui jouissait d’un statut bien différent de celui du Maroc puisqu’elle était considérée comme territoire français à part entière.

À l’indépendance, ces décisions coloniales n’ont pas été remises en cause, notamment pour préserver la stabilité régionale. Toutefois, la question du Sahara oriental a refait surface dès 1963, à travers la guerre des sables entre le Maroc et l’Algérie. Bien que le Maroc ait ensuite préféré geler cette revendication au nom d’un idéal d’unité maghrébine, il n’a jamais officiellement renoncé à ses droits historiques sur ces territoires. La publication intégrale des archives françaises pourrait aujourd’hui redonner une nouvelle dimension à cette revendication, en fournissant des éléments matériels et administratifs attestant du caractère artificiel des frontières héritées de la colonisation.

Ce dossier s’inscrit dans une problématique plus vaste, celle du décalage persistant entre l’histoire révélée — celle des documents, des décisions diplomatiques, des cartographies officielles — et l’histoire souvent dissimulée ou édulcorée dans les narrations officielles des États postcoloniaux. Alors que les générations se succèdent, l’accès aux archives devient un enjeu central pour rétablir une lecture équilibrée de l’histoire régionale, loin des mythes ou des simplifications idéologiques. Loin de vouloir rouvrir les conflits, la reconnaissance de ces faits historiques, lorsqu’elle repose sur des preuves incontestables, constitue une étape nécessaire vers une mémoire partagée et apaisée. Cela impose toutefois une volonté politique de vérité, et non de confrontation.

Les frontières actuelles du Maghreb, héritées d’une époque coloniale de domination, ne reflètent pas toujours les réalités historiques profondes des peuples et des États de la région. Les archives françaises, en livrant des données longtemps inaccessibles, risquent de bouleverser certains récits établis et de réactiver des revendications que le temps n’a pas effacées. Mais elles offrent aussi une opportunité rare : celle d’ancrer le débat territorial dans les faits, plutôt que dans les passions.


 

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