Pendant que les
combats s’intensifient en Ukraine et que la guerre israélo-iranienne embrase le
Moyen-Orient, certains observateurs soupçonnent Vladimir Poutine de jouer une
partie d’échecs mondiale où chaque conflit périphérique servirait à détourner
l’attention de l’agression russe.
Le terrain est propice. L’Algérie et le Maroc, en froid diplomatique depuis 2021, n’ont pas cessé depuis de multiplier les signes d’hostilité : rupture des relations, fermeture de l’espace aérien, accusations d’ingérences, propagande à peine voilée… Un brasier qui couve, et que certains aimeraient voir s’embraser. Le Polisario, toujours soutenu politiquement, militairement et logistiquement par Alger, quasi proxy de l’Iran, acteur actif dans le terrorisme qui traverse le Sahel, maintient une rhétorique belliqueuse, et des incidents sont régulièrement signalés dans la zone tampon. Il n’en fallait pas plus pour que le Kremlin, maître du brouillard stratégique, tente un coup dans cette zone tendue. L’idée serait de souffler sur les braises du conflit saharien pour créer un nouveau front, une crise régionale suffisamment bruyante pour éclipser, ne serait-ce que temporairement, la guerre en Ukraine.
Et puis il y a cette guerre qui fait rage depuis juin entre Israël et l’Iran, où chaque missile lancé offre à la Russie un peu plus d’ombre portée. Le monde médiatique n’a que deux yeux, et l’attention collective, aussi vive soit-elle, ne peut suivre tous les fronts à la fois. Le Kremlin le sait, et il semble bien décidé à tirer parti de cette saturation stratégique. L’agitation du Moyen-Orient, désormais combinée à une possible résurgence du conflit au Sahara occidental, pourrait bien lui offrir une fenêtre d’impunité accrue pour avancer ses pions en Ukraine, sans avoir à redouter un véritable sursaut international.
Il faut toutefois rester prudent. Aucune source officielle ne confirme jusqu’à présent que cette visite du général russe à Alger visait précisément à attiser le conflit maghrébin. Le Maroc garde un silence stratégique, l’Algérie, fidèle à sa ligne, nie toute provocation, et le Polisario, de son côté, continue de gesticuler dans l’ombre sans franchir le seuil de l’irréversible. Mais le contexte est là, lourd, tendu, chargé de sous-entendus. Et cette thèse d’un Poutine pyromane, qui attise les feux à distance pour mieux occuper les pompiers, s’inscrit parfaitement dans le style du maître du Kremlin, plus adepte des diversions que des démonstrations.
Pendant que l’Ukraine saigne, que Tel-Aviv riposte, que Téhéran tonne et que le Sahel brûle lentement, Moscou semble jouer une partition plus subtile, où le fracas des armes ailleurs fait office de rideau de fumée. Et tant pis si l’on rouvre d’anciennes blessures au Maghreb. Pour le Kremlin, l’essentiel est peut-être ailleurs : occuper le monde, désorienter les opinions, faire oublier l’essentiel. Un art dans lequel il excelle.
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