La
guerre-éclair qui a secoué le Moyen-Orient du 14 au 26 juin 2025, désormais
qualifiée par les médias internationaux de « guerre des 12 jours », n’a
pas seulement été une démonstration de force militaire.
Côté
israélien, les responsables politiques, Netanyahu en tête, n’ont pas tardé à
célébrer une « victoire historique » contre l’Iran. Pour Tel-Aviv, les
frappes coordonnées avec les forces américaines auraient porté un coup décisif aux
capacités nucléaires iraniennes, tout en réaffirmant la doctrine de dissuasion
israélienne. Mais au-delà des images de silos en feu et des bâtiments soufflés,
les experts israéliens eux-mêmes se montrent plus nuancés.
Le renseignement militaire évoque des dommages sérieux mais localisés,
avec un flou persistant sur l'atteinte réelle aux centres d’enrichissement
profonds de Fordow ou Natanz. En coulisse, certains hauts gradés reconnaissent
qu’aucune preuve tangible n’atteste de la destruction des stocks d’uranium
enrichi. Alors, victoire tactique ? Peut-être. Victoire stratégique ? Rien
n’est moins sûr.
Donald Trump, revenu de ses nombreuses décisions stratégiques plus ou moins avortées, n’a pas manqué l’occasion de mettre en scène la puissance américaine retrouvée. Lors d’une sortie médiatique, il a martelé que « les forces armées des États-Unis ont détruit les capacités nucléaires de l’Iran sans perdre un seul soldat ». Les images diffusées par le Pentagone montrent des frappes chirurgicales sur des infrastructures critiques, mais leur interprétation reste sujette à caution.
Dans les milieux spécialisés, des voix discordantes s’élèvent. Des think tanks comme le CSIS ou le SIPRI affirment que les capacités techniques essentielles de l'Iran — savoir-faire, centrifugeuses avancées, réserves d'uranium — auraient été déplacées ou sécurisées à l’avance, anticipant les frappes. Trump, en réaction, a dénoncé une « campagne de dénigrement » et accuse la communauté du renseignement de «saboter la victoire américaine ». Un réflexe classique du trumpisme : s’imposer par le verbe, nier la complexité.
Mais c’est
sans doute l’Iran qui tient la posture la plus paradoxale – et la plus habile.
D’un côté, Téhéran clame que les frappes ont endommagé certains sites
nucléaires, une manière d’amplifier le coût pour l’agresseur, de booster sa confiance et donc de
dissuader toute récidive qui sera jugée inutile. De l’autre, les autorités iraniennes assurent que les
acquis nucléaires ont été préservés, insistant sur le fait que « l’uranium enrichi et les éléments sensibles ont été mis en sécurité dans des
lieux inconnus ».
Le double discours peut sembler incohérent, mais il sert une logique
diplomatique précise : montrer de la résilience intérieure tout en maintenant
l’ambiguïté sur l’état réel de l’arsenal. En somme, infliger le doute à
l’ennemi tout en rassurant ses partenaires — notamment la Russie et la Chine.
Dans cet affrontement narratif, les experts internationaux sont divisés. Certains estiment que l’Iran possède toujours la totalité de ses capacités nucléaires. D’autres pensent que des retards considérables ont été infligés à son programme. Mais aucun consensus n’émerge, notamment faute de preuves irréfutables. La guerre des 12 jours, bien que brève, a été soigneusement cloisonnée en termes d’informations. Satellites brouillés, zones interdites, silences médiatiques — chaque camp a verrouillé sa version.
La réalité de cette guerre n’est peut-être pas celle des bombes, mais celle des perceptions. Les trois protagonistes ont orchestré une symphonie de mises en scène, destinée non seulement à leur opinion publique respective, mais aussi aux pays tiers (Arabie Saoudite, Russie, Chine, UE). Le résultat ? Une cacophonie contrôlée, où chacun joue sa partition.
Israël a besoin d’afficher la force. Trump a besoin de résultats visibles pour son électorat. Et l’Iran, encerclé, cherche à projeter à la fois invulnérabilité et capacité de riposte. Dans ces jeux d’ombres, ce n’est plus la vérité qui compte, mais sa version la plus politiquement utile.
Au fond,
cette guerre fut moins un affrontement militaire qu’un exercice de communication
stratégique. L’hyper-visibilité des frappes, les messages cryptés, les
discours contradictoires : tout suggère que le champ de bataille principal fut…
l’opinion mondiale.
Alors, jeux de posture ou jeux de dupes ? Probablement les deux. Car dans le
monde post-vérité de 2025, manipuler les faits est devenu aussi crucial que
de les produire.
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