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04 juin 2025

CHRONIQUE : Maroc ; l’incivisme, un mal profond ? Par A. Laalioui

Publié par A. Laalioui le 4/6/2025


L’enquête menée par le Centre marocain de la citoyenneté entre le 10 février et le 13 mars 2025 met en lumière une réalité préoccupante. 

une large majorité de Marocains reconnaissent la persistance d’un incivisme généralisé dans les comportements quotidiens. Les actes les plus fréquemment dénoncés sont le jet d’ordures dans l’espace public, la détérioration du mobilier urbain, le vandalisme dans les transports, le non-respect des règles de circulation, ainsi qu’un désintérêt manifeste pour les normes de vie collective. Cette réalité contraste fortement avec les efforts importants consentis par le pays pour moderniser ses infrastructures et améliorer le cadre de vie.

Cette contradiction trouve en partie ses racines dans l’histoire longue du Maroc. La culture politique marocaine porte encore les séquelles de la division historique entre le Bled Al-Makhzen, zone sous contrôle de l’autorité centrale, et le Bled Siba, territoires perçus comme insoumis. Cette dichotomie, bien qu’ancienne, continue d’influencer les mentalités. L’autorité y est souvent perçue comme une entité extérieure, imposée à un citoyen censé être « libre ». Ce rapport distancié, voire conflictuel, à l’autorité nourrit un sentiment de désengagement civique et alimente des comportements de défi, voire de sabotage, à l’égard de l’espace public, considéré comme n’appartenant à personne.

Le Maroc se trouve aujourd’hui dans une situation paradoxale. D’un côté, le pays affiche une dynamique de développement remarquable : routes modernes, tramways, stades, espaces verts urbains, projets structurants dans plusieurs villes. D’un autre côté, ces acquis matériels sont fragilisés par des comportements qui en compromettent la durabilité. Le citoyen ne s’approprie pas toujours ces réalisations ; il ne les perçoit pas nécessairement comme un prolongement de sa propre responsabilité. Ce divorce entre la modernisation des infrastructures et le comportement quotidien des usagers crée une dissonance forte.

À l’approche de la Coupe d’Afrique des Nations en 2025 et, à plus long terme, de la Coupe du monde 2030, le Maroc se doit de projeter une image cohérente et crédible. Or, un espace public dégradé, des incivilités répétées ou une absence de discipline collective peuvent sérieusement nuire à cette ambition. Ce n’est pas seulement l’esthétique du pays qui est en jeu, mais également la crédibilité du modèle qu’il souhaite incarner : un pays moderne, ouvert et respectueux des normes internationales.

Face à cette situation, une réponse purement sécuritaire ou punitive serait insuffisante. Il est indispensable d’opérer une réconciliation entre le citoyen et l’État, de restaurer la confiance, et de réactiver une conscience collective autour de la notion de bien commun. Cela passe notamment par une éducation civique renforcée dès le plus jeune âge, par une valorisation des comportements exemplaires, mais aussi par une implication plus forte des citoyens dans la gestion de leur environnement immédiat. L’espace public ne doit plus être vu comme le territoire d’une autorité distante, mais comme une extension de la vie collective dont chacun est responsable.

En somme, l’incivisme est un révélateur : celui d’un malaise plus profond entre modernisation formelle et culture sociale. Le défi marocain ne réside plus seulement dans la construction de routes et de stades, mais dans l’édification d’une citoyenneté active, mature et consciente. Sans cela, les plus belles infrastructures resteront des coquilles vides, vulnérables aux vieilles habitudes et aux logiques de désengagement.


 

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