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30 juin 2025

Édito : Le prix du report – Quand l’État s’absente face aux urgences structurelles- Par A. Laalioui

     A. Laalioui  30/06/2025

 Kaleidoscope

Dans toute nation qui aspire au progrès, il est un principe intangible : les problèmes structurels ne disparaissent pas par miracle. Ils s'enracinent, se démultiplient, deviennent des failles systémiques.

Le Maroc, à l’aube de deux rendez-vous planétaires – la Coupe d’Afrique des Nations en 2025 et la Coupe du monde de football en 2030 – se retrouve au pied du mur, confronté à des chantiers chroniques qu’il ne peut plus se permettre de repousser. Car cette fois, le monde regarde.

Trois défis en particulier symbolisent cette inertie qui devient péril : le tissu informel, la question des chiens errants et la vulnérabilité numérique révélée par les cyberattaques.

Le tissu informel, d’abord, est cette toile invisible mais omniprésente qui structure une large partie de l’économie marocaine. Il représente entre 30 et 40 % du PIB, selon certaines estimations, et concerne des millions de citoyens vivant en marge du système fiscal, social et juridique. Ce secteur, longtemps toléré pour des raisons de paix sociale, s’avère aujourd’hui être un frein à la modernisation du pays. Comment bâtir une économie compétitive, résiliente et inclusive si une large frange de la population travaille sans filet de sécurité, échappe à la réglementation et échappe aussi à toute prospective d’intégration durable ?

Les chiens errants, ces invisibles devenus visibles, sont des dizaines, parfois des centaines en milieu urbain comme rural, à errer dans les rues, posant un problème d’hygiène publique, de sécurité sanitaire (notamment face à la rage), mais aussi d’image à l’international. Alors que les protocoles classiques prévoyaient l’abattage comme méthode de régulation, une levée de boucliers d’ONG locales et internationales a contraint les autorités à revoir leur copie. Des campagnes virales ont dénoncé des pratiques jugées « barbares », comparant même le sort des animaux à un scandale d’éthique mondiale – à l’image des campagnes contre la Coupe du Monde 2022 au Qatar, accusé de violations des droits humains. Résultat : Aussi bien les municipalités que les autorités centrales sont tétanisées, entre crainte de l’indignation mondiale et absence de solutions logistiques ou juridiques viables (comme la stérilisation massive, qui demande des budgets, des infrastructures et une volonté politique constante).

Enfin, troisième symptôme d’un État fragilisé dans sa capacité à agir : la gestion du numérique, ou plutôt sa gestion lacunaire. Les récentes cyberattaques ayant visé plusieurs institutions, dont des hôpitaux, des universités et même des entités administratives centrales, ont mis à nu les carences de l’appareil numérique de l’État. L’absence de protocoles robustes de cybersécurité, le retard en matière de gouvernance des données, et l'impréparation face aux menaces technologiques interrogent la viabilité de l’ambition marocaine de devenir un hub numérique africain. Ces failles ne sont plus des avertissements : ce sont des signaux d’alarme.

Un État qui aspire à rayonner doit avant tout affronter ses vérités internes, aussi rugueuses soient-elles. Les échéances internationales, loin d’être de simples événements festifs ou diplomatiques, imposent un miroir impitoyable. On n’organise pas une CAN ou une Coupe du Monde dans un pays qui tolère l’informel comme normalité, les cyberattaques comme fatalité, et la gestion des animaux errants comme non-priorité.

L’Histoire jugera moins sur la réussite d’un événement sportif que sur la capacité à le transformer en levier de réforme. C’est maintenant qu’il faut agir. L’inaction est devenue plus coûteuse que le courage.

 



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