Les conflits en Ukraine et à Gaza, bien que distincts dans leur géographie, leur histoire et leurs acteurs, incarnent deux facettes contemporaines d’une guerre aux ramifications multiples : nationales, régionales et mondiales.
Les déclenchements respectifs de ces deux conflits répondent à des logiques différentes, mais leur résorption se heurte à des obstacles comparables, liés à la profondeur des antagonismes, aux intérêts divergents des puissances en présence et à l’effritement des mécanismes multilatéraux de résolution.
Ukraine : guerre d’agression ou conflit d’influence ?
Le conflit ukrainien a officiellement éclaté le 24 février 2022 avec l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie. Pour Moscou, il s'agit d’une guerre préventive face à l’expansion de l’OTAN à ses frontières ; pour Kiev et l’Occident, c’est une agression impérialiste visant à détruire l’intégrité territoriale d’un État souverain. Mais les racines sont plus profondes : tensions identitaires (pro-européens vs. pro-russes), guerre dans le Donbass depuis 2014, annexion de la Crimée, et surtout un affrontement larvé entre deux visions de l’ordre mondial. L’animosité est donc entretenue par la perception russe d’un encerclement stratégique, et par celle ukrainienne d’une lutte existentielle.
Gaza : entre occupation, blocus et vengeance
À Gaza, le conflit trouve sa dernière flambée majeure dans l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 contre Israël, suivie d'une riposte militaire israélienne d’une intensité inédite. Mais là encore, l’événement s’inscrit dans une histoire plus longue : colonisation, déplacements forcés, impasse du processus de paix, blocus israélo-égyptien depuis 2007, et cycles de violence récurrents. Le conflit est à la fois colonial, identitaire, sécuritaire et religieux. L’animosité atteint ici un niveau extrême, alimenté par des décennies de haine, de morts civiles et de discours déshumanisants de part et d’autre.
Les négociations : dialogues de sourds et médiations instrumentalisées
Dans les deux cas, les tentatives de négociation sont entravées par la méfiance mutuelle, la fragmentation des acteurs et l’ambiguïté des médiateurs. En Ukraine, les discussions (ex : format Normandie, accords de Minsk, puis pourparlers via la Turquie ou la Chine) ont échoué faute d’engagement sincère ou de garanties. À Gaza, les médiateurs régionaux (Qatar, Égypte) jouent un rôle tactique, mais sont limités par l’asymétrie entre Israël et les Palestiniens, l'absence de leadership unifié côté palestinien, et les calculs politiques internes d’Israël. Les États-Unis, bien que médiateurs officiels dans les deux crises, sont aussi perçus comme partie prenante, biaisant leur rôle.
Les forces de blocage : entre maximalisme et géopolitique
Ce qui bloque aujourd’hui la résolution des deux conflits, c’est d’abord le niveau d’exigence maximaliste des parties. Moscou exige la reconnaissance de ses annexions, Kiev réclame le retrait complet des troupes russes. Israël vise la destruction totale du Hamas, tandis que ce dernier revendique la fin du blocus et l’autodétermination palestinienne. À cela s’ajoutent des intérêts géostratégiques plus larges : la Russie se pose en contrepoids de l’Occident, l’Iran soutient le Hamas pour affirmer son influence régionale, et les grandes puissances manipulent les conflits au gré de leurs priorités.
Deux conflits-miroirs d’un monde fragmenté
Les conflits en Ukraine et à Gaza reflètent un désordre mondial où les institutions internationales peinent à imposer le droit, où les coalitions se forment par affinités stratégiques plus que par respect des normes, et où les victimes civiles sont de plus en plus instrumentalisées. L’animosité accumulée, la polarisation du débat international et le cynisme diplomatique rendent toute paix véritable très difficile à envisager à court terme. Ces guerres ne sont pas seulement des affrontements armés, mais des fractures politiques et morales qui traversent le XXIe siècle.
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