Depuis une dizaine d’années, la cybersécurité s’est imposée
comme l’un des enjeux majeurs de la gouvernance mondiale.
L’évolution de la menace cybernétique s’est accélérée à partir des années 2010, avec des attaques comme Stuxnet (révélée en 2010), conçue pour saboter le programme nucléaire iranien, qui a marqué un tournant : c’était la première cyberattaque connue capable de causer des dégâts physiques dans le monde réel. Depuis, les assauts informatiques se sont multipliés, visant non seulement des infrastructures critiques (réseaux électriques, hôpitaux, transports) mais aussi des institutions démocratiques, comme ce fut le cas lors des élections américaines de 2016, influencées par des campagnes de désinformation et des piratages attribués à la Russie.
Le niveau de dangerosité a atteint un seuil critique dans les années 2020, avec l’explosion des ransomwares (rançongiciels). Des groupes criminels, souvent basés en Russie ou en Asie de l’Est, ont paralysé des centaines d’entreprises et institutions à travers le monde. L’attaque contre Colonial Pipeline en 2021, qui a mis à l’arrêt un important oléoduc aux États-Unis, a révélé la vulnérabilité des infrastructures vitales. La pandémie de COVID-19 a exacerbé cette tendance : le télétravail massif a fragilisé les systèmes de sécurité et multiplié les brèches exploitables par les pirates.
Face à cette montée des périls, la lutte contre le hacking s’est organisée, mais de manière inégale. Des agences nationales ont vu leur rôle renforcé : l’ANSSI en France, le CISA aux États-Unis, l’ENISA à l’échelle européenne. L’OTAN a officiellement reconnu le cyberespace comme un domaine de confrontation militaire, au même titre que la terre, la mer et l’espace. La Chine, la Russie, l’Iran, mais aussi des pays occidentaux, développent désormais des capacités offensives de cyberdéfense. Le cyberespionnage est devenu monnaie courante, brouillant la frontière entre guerre et paix.
Les acteurs du hacking sont aujourd’hui très diversifiés. On y retrouve des groupes étatiques (comme APT28 ou Lazarus), des hacktivistes (Anonymous, Killnet), des mafias numériques (comme Conti ou LockBit), mais aussi des mercenaires informatiques louant leurs services au plus offrant. Parallèlement, les plateformes de bug bounty, les chercheurs en sécurité et les agences de veille forment une contre-force engagée dans une course constante contre les nouvelles vulnérabilités.
En Afrique, en Amérique latine ou au Moyen-Orient, les pays sont encore en retard sur la sécurisation de leurs systèmes d’information. Mais les cyberattaques ne les épargnent pas : en 2022, le gouvernement costaricien a été paralysé par un ransomware ; en 2023, plusieurs banques sud-africaines ont été ciblées par des attaques massives. Le Maroc n’est pas en reste : bien qu’il ait renforcé ses capacités à travers la Direction générale de la sécurité des systèmes d'information (DGSSI), plusieurs campagnes d’attaques, parfois à dimension politique ou géostratégique, ont visé des institutions publiques, des médias ou des infrastructures critiques.
Le cyberespace est devenu une zone grise, où les rapports de force globaux se rejouent sans déclarations de guerre. Derrière les lignes de code se cache une lutte invisible mais permanente, où les enjeux économiques, politiques et stratégiques se mêlent. La décennie écoulée a prouvé que la cybersécurité n’est plus une affaire de spécialistes, mais une dimension cruciale de la souveraineté des États et de la résilience des sociétés. Dans un monde ultra-connecté, l’anticipation et la coopération restent les seules armes viables contre les assauts numériques à venir.
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