La mondialisation, qui semblait s’imposer au tournant des années 2000 comme un processus irréversible d’unification des marchés et d’interdépendance croissante entre nations, connaît aujourd’hui une transformation profonde.
L’un des principaux moteurs de cette fragmentation réside dans la rivalité croissante entre les États‑Unis et la Chine. Si l’Occident a longtemps dominé les flux commerciaux et financiers, Pékin, grâce à sa puissance manufacturière et technologique, propose désormais une alternative crédible à l’ordre économique libéral. La guerre commerciale sino‑américaine, les restrictions sur les semi‑conducteurs et la bataille pour la maîtrise de l’intelligence artificielle illustrent cette compétition structurante.
Parallèlement, la Russie, marginalisée par les sanctions occidentales après l’invasion de l’Ukraine en 2022, cherche à redéfinir son rôle en se rapprochant de la Chine, de l’Inde et d’autres pays du Sud global. Moscou mise notamment sur ses ressources énergétiques pour maintenir son influence, en contournant les circuits financiers dominés par l’Occident. Cette recomposition traduit une volonté d’affranchissement vis‑à‑vis de la domination du dollar et des institutions de Bretton Woods.
Le Sud global, longtemps spectateur de la rivalité entre grandes puissances, gagne désormais en poids. L’essor des BRICS, qui accueillent de nouveaux membres comme l’Arabie Saoudite ou l’Iran, illustre ce basculement. Ces pays revendiquent une voix plus forte dans la gouvernance mondiale et cherchent à instaurer des mécanismes financiers alternatifs, comme les paiements en monnaies locales, pour réduire leur dépendance aux systèmes occidentaux.
Cette polarisation a des conséquences directes sur les chaînes de valeur mondiales. Après la pandémie de Covid‑19 et face aux risques géopolitiques, de nombreux pays occidentaux optent pour le “friend‑shoring” et la relocalisation partielle de leur production. Cette stratégie vise à réduire la dépendance à la Chine pour des produits stratégiques, mais elle engendre des coûts plus élevés et risque d’accentuer la fragmentation du commerce international.
Les institutions multilatérales, telles que l’OMC ou le FMI, peinent à s’adapter à cette nouvelle donne. Leurs mécanismes, conçus pour un monde plus coopératif, se heurtent à des intérêts nationaux de plus en plus affirmés. On assiste ainsi à une prolifération d’accords bilatéraux et régionaux qui contournent les cadres globaux, accentuant le morcellement de l’économie mondiale.
Enfin, cette fragmentation géo‑économique présente des risques majeurs mais aussi des opportunités. Si elle menace la croissance globale et accroît les incertitudes pour les entreprises, elle peut aussi favoriser l’émergence de nouveaux pôles de développement et d’innovation. Le défi consiste désormais à gérer cette transition sans basculer dans une ère de confrontation permanente, où l’économie deviendrait l’arme principale des rivalités géopolitiques.
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