Depuis le début du XXIe siècle, les équilibres géopolitiques mondiaux connaissent une mutation progressive.
Ce basculement est en partie le fruit d’un rejet croissant du néocolonialisme, perçu comme un prolongement des logiques impérialistes à travers les politiques économiques, les interventions militaires et les conditionnalités imposées par les institutions internationales. De nombreux pays du Sud global critiquent la mainmise occidentale sur les mécanismes de gouvernance globale – que ce soit au sein de l’ONU, du FMI ou de la Banque mondiale – et réclament une réforme de ces institutions pour mieux refléter la réalité multipolaire actuelle.
Cependant, cette volonté d’indépendance géopolitique se heurte à de multiples limites. D’une part, le Sud global n’est pas un bloc homogène : ses membres ont des intérêts divergents, parfois conflictuels, comme l’illustrent les tensions entre l’Inde et la Chine, ou les trajectoires économiques très contrastées des pays africains et latino-américains. D’autre part, malgré un discours de souveraineté, bon nombre de ces pays restent dépendants des marchés mondiaux, des flux financiers occidentaux et des technologies importées.
Pourtant, plusieurs signaux montrent que ce basculement est plus qu’un simple mythe. Sur le plan économique, la Chine est désormais le principal partenaire commercial de nombreux pays du Sud, supplantant les anciennes puissances coloniales. Les initiatives comme la Nouvelle Route de la Soie (Belt and Road Initiative) redessinent les routes de l’influence mondiale. En parallèle, des coalitions alternatives émergent, comme l’Alliance des États africains pour la souveraineté alimentaire ou les forums Sud-Sud de coopération technologique et militaire.
Le conflit en Ukraine a accéléré cette reconfiguration, en mettant en lumière le refus de nombreux pays du Sud global de s’aligner sur les sanctions occidentales contre la Russie. Ce positionnement "non-aligné 2.0" traduit une volonté de défendre une diplomatie plus autonome, où les intérêts nationaux priment sur les injonctions idéologiques. Il s’agit moins d’un soutien à Moscou que d’un signal d’agacement face à ce qui est perçu comme un double standard occidental.
En définitive, le basculement géopolitique vers le Sud global est une réalité en construction, encore fragile mais bien réelle. Ce n’est ni une rupture brutale ni une illusion, mais une dynamique de long terme qui repose sur une affirmation politique croissante, une diversification des partenariats et un repositionnement stratégique. Pour autant, la réussite de cette transition dépendra de la capacité des pays du Sud à construire des alliances durables, à renforcer leurs institutions et à formuler un projet global alternatif crédible.
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