Depuis le 7 octobre 2023, une expression revient sans cesse dans les médias, les tribunes diplomatiques, les discours politiques et les commentaires d’experts : « la guerre à Gaza ». n
Dans l’imaginaire collectif, une guerre oppose deux armées, deux États, deux forces organisées qui s’affrontent sur un champ de bataille, chacune revendiquant un objectif stratégique, parfois territorial, parfois politique. Rien de tel à Gaza. Ici, l’armée israélienne — l’une des plus puissantes au monde, technologiquement avancée, soutenue diplomatiquement et militairement par les grandes puissances occidentales — fait face à une population civile enfermée, affamée, bombardée. Certes, il existe des groupes armés palestiniens, comme le Hamas, mais l’écrasante majorité des victimes sont des civils : femmes, enfants, vieillards, secouristes, journalistes, médecins. Une société tout entière est visée et détruite sous prétexte de neutraliser des combattants.
Le terme "guerre" masque ainsi une réalité brutale : celle d’une punition collective, d’une dynamique exterminatrice qui ne dit pas son nom. En parlant de guerre, on sous-entend qu’il y aurait équivalence des forces, responsabilité partagée, et même une certaine forme de logique stratégique. En réalité, c’est une agression méthodique à sens unique, une entreprise de domination et d’annihilation, où l’agresseur se réfugie derrière un droit à la "légitime défense" pour justifier l’injustifiable.
Cette sémantique n’est pas neutre. Elle est le produit d’un récit médiatique et politique façonné par des décennies de complaisance envers l'État d’Israël, dont l’impunité repose en grande partie sur la maîtrise du langage. Dire "guerre", c’est préparer les esprits à accepter l’inacceptable. C’est convertir en fatalité ce qui est pourtant évitable, négociable, dénonçable. C’est faire passer un génocide pour une opération militaire.
De plus en plus de voix, pourtant, s’élèvent pour dénoncer cette imposture langagière. Des juristes, des historiens, des intellectuels, des ONG internationales parlent désormais de crimes de guerre, de nettoyage ethnique, voire de génocide. Ils rappellent que les mots ont un sens, et qu’à force d’euphémismes, on finit par désarmer la conscience.
Il ne s’agit pas seulement d’un débat de vocabulaire. Il s’agit de refuser la normalisation de la violence extrême, de redonner leur nom aux choses, et de refuser que le droit international soit tordu jusqu’à devenir un alibi pour les puissants. Tant que l’on parlera de "guerre à Gaza", Israël pourra continuer à massacrer en toute quiétude, et la communauté internationale à détourner les yeux, comme si elle assistait à un simple conflit de plus.
Il est urgent de nommer ce qui se passe à Gaza pour ce que c’est : une agression systématique contre une population civile, sans défense, et sans refuge. Ce n’est pas une guerre. C’est une tragédie politique et morale, dont la manière d’en parler trahit souvent l’inconscience… ou la complicité.
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