Le terrorisme n’est plus perçu comme une anomalie de
l’histoire contemporaine mais comme une composante banale et récurrente de la
scène internationale.
La différence fondamentale entre les guerres classiques et le terrorisme réside dans la finalité. Les conflits traditionnels portent sur des intérêts tangibles : terres, ressources, frontières. Le terrorisme, lui, frappe de façon imprévisible et cherche moins à conquérir qu’à imposer un climat d’insécurité permanent. Si les chefs de ces mouvements se réclament d’une idéologie religieuse radicale, les motivations de leurs troupes sont plus hétérogènes. Certains sont de véritables convaincus, endoctrinés dès leur jeunesse ou radicalisés dans les prisons. D’autres, opportunistes, rejoignent ces rangs pour les gains financiers, le prestige ou le simple fait d’avoir un pouvoir sur les autres grâce à une arme. On y trouve aussi des jeunes marginalisés, exclus socialement, qui voient dans le maniement des armes une revanche personnelle ou un moyen d’exister. Boko Haram illustre bien cette diversité : ses leaders prêchent un jihad salafiste, mais une partie de ses combattants sont enrôlés de force et obéissent plus à la peur qu’à la conviction.
À ce mélange s’ajoute une dimension trouble : celle de l’instrumentalisation. Les services de renseignement, hier comme aujourd’hui, ont parfois utilisé ces groupes pour affaiblir un adversaire ou influencer un conflit. Les moudjahidines afghans, soutenus par les États-Unis et le Pakistan contre l’URSS, ont donné naissance aux réseaux transnationaux du jihad global. En Syrie, au début du conflit, des armes ont circulé vers des factions qui, plus tard, se sont retournées contre leurs fournisseurs. Cette zone grise, où se croisent intérêts d’État et ambitions terroristes, brouille les lignes et assure la pérennité du phénomène.
Le plus préoccupant est la banalisation de cette violence. Dans certaines régions du Sahel, les attaques sont si fréquentes qu’elles ne font même plus la une de la presse locale. Les habitants vivent dans un état de tension chronique, pris entre armées, milices et groupes terroristes, avec pour seul horizon l’instabilité. Le terrorisme devient alors une sorte de bruit de fond permanent, un outil stratégique autant pour ceux qui le pratiquent que pour ceux qui s’en servent comme prétexte.
Comprendre ce phénomène suppose d’aller au-delà du discours purement sécuritaire. Tant que persisteront la pauvreté, les injustices, la corruption et l’absence de perspectives, les idéologies radicales trouveront des hommes prêts à porter les armes, que ce soit par foi, par intérêt ou par simple goût de la violence. Et c’est bien là que réside la force inquiétante de ce terrorisme hybride : il ne se nourrit pas seulement d’idées, mais aussi des fractures profondes de notre monde.
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