Le marché des failles dites "0-day", ces vulnérabilités logicielles
inconnues des éditeurs et donc sans correctif disponible, reste l’un des
segments les plus lucratifs et opaques de l’écosystème cybercriminel mondial.
Ces derniers mois, plusieurs vulnérabilités critiques ont été découvertes dans des systèmes massivement utilisés : Windows a récemment fait l’objet d’une faille d’escalade de privilèges permettant une prise de contrôle à distance, tandis qu’iOS a connu des vulnérabilités permettant l’exécution de code arbitraire via des pages web piégées. Les routeurs Cisco et Fortinet, souvent déployés en périphérie des réseaux d’entreprise, et censés en assurer la sécurité, ont également révélé des failles critiques permettant à des attaquants d’implanter des portes dérobées persistantes sans interaction de l’utilisateur.
Sur le dark web, ces failles se négocient sur des forums spécialisés et des marchés fermés où l’accès se fait sur parrainage. Les prix varient selon le type de cible, la complexité de l’exploitation et le potentiel d’impact. Une faille critique touchant des infrastructures largement déployées, comme les routeurs d’entreprise, peut atteindre des prix record, car elle ouvre la voie à des campagnes massives d’espionnage ou de rançonnage. Ces ventes ne concernent pas uniquement le code de l’exploit, mais aussi des services « clé en main » où les acheteurs paient pour l’accès direct aux systèmes compromis.
Les États jouent un rôle ambigu dans ce marché. Certains, via des agences de renseignement ou de cybersécurité offensive, achètent des 0-day pour mener des opérations d’espionnage ou de sabotage ciblé. D’autres, au contraire, cherchent à réduire ce marché par des politiques de divulgation responsable et des programmes incitant les chercheurs à signaler les failles directement aux éditeurs. Cette dualité alimente une compétition géopolitique autour de la maîtrise de l’information et du timing de divulgation.
Les groupes cybercriminels exploitent ces failles avec une rapidité accrue, souvent dans les heures qui suivent leur divulgation partielle ou leur fuite. Les campagnes de ransomware, les vols de données et les attaques ciblées contre des infrastructures critiques (hôpitaux, administrations, opérateurs télécoms) illustrent l’impact concret de cette exploitation. Une fois une faille révélée, le temps moyen avant son exploitation massive en tant qu’arme offensive («weaponization ») – est désormais mesuré en jours, voire en heures.
Face à cette menace persistante, les entreprises et institutions doivent renforcer leur posture de cybersécurité : déploiement rapide des correctifs, surveillance active des comportements réseau, et adoption de politiques de gestion des vulnérabilités plus réactives. Cependant, tant que la prime financière pour une 0-day restera supérieure aux incitations légales, ce marché parallèle continuera de prospérer et de se professionnaliser, alimenté à la fois par la demande stratégique des États et l’appétit vorace du cybercrime organisé.
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