L’agriculture vivrière, longtemps reléguée au second plan au
profit des cultures d’exportation, revient aujourd’hui au centre des débats sur
la souveraineté alimentaire au Maroc.
Les politiques publiques jouent ici un rôle déterminant. Le Plan Maroc Vert, puis Génération Green, ont mis l’accent sur la modernisation de l’agriculture et la création de valeur, mais souvent au bénéfice des filières exportatrices comme les fruits rouges, les agrumes ou l’olivier. Pour favoriser l’agriculture vivrière, il serait nécessaire de réorienter les incitations fiscales, les subventions et l’accès au foncier vers les cultures de base — céréales, légumineuses, légumes — tout en garantissant aux producteurs des débouchés stables et rémunérateurs sur le marché national.
L’une des pistes majeures réside dans la mise en place de mécanismes incitatifs adaptés. Cela pourrait passer par des prix garantis pour certaines productions stratégiques, des contrats d’approvisionnement avec les institutions publiques (cantines scolaires, hôpitaux, armée), ou encore des primes à la rotation culturale favorisant la diversité alimentaire. L’appui à l’irrigation raisonnée et l’accès facilité aux semences locales adaptées aux terroirs marocains constitueraient également des leviers puissants pour encourager les petits et moyens agriculteurs à orienter leur production vers la consommation nationale.
Par ailleurs, le modèle à envisager ne peut ignorer la dimension sociale et territoriale de l’agriculture vivrière. Elle concerne principalement les petites exploitations familiales, souvent situées dans des zones rurales enclavées et fragiles. Renforcer leur résilience passe par l’investissement dans les infrastructures rurales (routes, marchés de proximité, stockage), la formation des agriculteurs, et le développement de coopératives ou d’organisations paysannes capables de mutualiser les moyens et d’améliorer la commercialisation des produits.
La souveraineté alimentaire marocaine devra aussi composer avec les défis du changement climatique. L’agriculture vivrière de demain devra être sobre en eau, respectueuse des sols et résiliente face aux aléas. Cela implique une transition agroécologique progressive, intégrant des pratiques telles que l’agroforesterie, la diversification culturale et l’utilisation raisonnée des intrants chimiques. Ces pratiques, si elles sont soutenues par des politiques publiques volontaristes, peuvent accroître la productivité tout en préservant les ressources naturelles.
Enfin, cette réorientation du modèle agricole ne saurait réussir sans une prise de conscience collective et une évolution des habitudes de consommation. Promouvoir les circuits courts, valoriser les produits locaux et renforcer l’éducation alimentaire sont autant d’éléments complémentaires qui permettront de créer une demande nationale solide pour les productions vivrières. Le Maroc de demain, s’il veut assurer sa souveraineté alimentaire, devra ainsi conjuguer volonté politique, soutien économique, innovation agronomique et engagement sociétal.
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