Les organisations autonomes décentralisées (DAO) connaissent
une phase d’évolution significative, marquée par leur entrée progressive dans
l’économie réelle.
L’un des principaux atouts de cette évolution réside dans la sophistication accrue des mécanismes de gouvernance. Les premières DAO souffraient souvent de centralisation déguisée, de faible participation ou de vulnérabilités décisionnelles. Aujourd’hui, les protocoles adoptent des modèles plus robustes, combinant des systèmes de vote multi-niveaux, des délégations dynamiques et des outils de transparence renforcée. Cette gouvernance avancée permet de concilier efficacité opérationnelle et maintien d’une philosophie décentralisée, tout en réduisant les risques de capture par une minorité d’acteurs.
Cette mutation s’accompagne d’une professionnalisation des structures. Les DAO les plus ambitieuses disposent désormais de comités spécialisés, de partenariats juridiques et de ressources humaines dédiées à la conformité réglementaire. L’acquisition d’actifs dans l’économie réelle impose en effet de composer avec les cadres légaux des juridictions concernées, et d’adopter des standards comparables à ceux des institutions financières traditionnelles. Cela transforme la perception des DAO : d’outils communautaires expérimentaux, elles deviennent des acteurs capables de détenir et gérer des actifs tangibles.
La technologie sous-jacente joue un rôle essentiel dans cette montée en maturité. Les smart contracts évoluent pour inclure des clauses modulables, des mécanismes de recours en cas de litige et des intégrations avec des systèmes off-chain. Cette interopérabilité technique facilite la convergence entre les mondes numérique et physique. Par ailleurs, les progrès en matière d’identités décentralisées (DID) et de preuves à divulgation nulle (ZKP) ouvrent la voie à une gouvernance plus conforme aux exigences KYC/AML sans sacrifier l’anonymat des membres.
Cette expansion soulève néanmoins des enjeux stratégiques et éthiques. En s’implantant dans des secteurs régulés, les DAO s’exposent à une tension entre leur vocation initiale – décentralisée, ouverte et souvent permisionless – et les contraintes normatives auxquelles elles doivent se soumettre. Le risque de « capture institutionnelle » est réel : à trop vouloir s’intégrer, certaines DAO pourraient diluer leur essence décentralisée au profit d’une structure quasi-corporative.
À moyen terme, les DAO robustement gouvernées pourraient devenir des acteurs centraux de la finance décentralisée (DeFi 2.0) et des infrastructures Web3, en agissant comme véhicules d’investissement, fonds souverains numériques ou même structures de gestion d’entreprises physiques. Leur succès dépendra de leur capacité à équilibrer innovation et conformité, agilité technologique et solidité institutionnelle. Si cet équilibre est atteint, elles pourraient redéfinir la notion même de gouvernance, en l’étendant au-delà des frontières traditionnelles de l’entreprise et de l’État.
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