La volonté de certains pays, notamment ceux appartenant aux
BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), de substituer le dollar
américain par des cryptomonnaies dans le commerce international reflète une
réponse stratégique à l'hégémonie financière américaine et à l'usage dominant
du dollar comme monnaie de réserve mondiale. Les motivations principales de ces
pays pour promouvoir la cryptomonnaie peuvent être décomposées en plusieurs
aspects. Lire plus
Les pays des BRICS souhaitent réduire leur dépendance au dollar américain, qui leur impose une vulnérabilité face aux politiques monétaires des États-Unis, comme les hausses des taux d’intérêt par la Réserve fédérale, ainsi qu’aux sanctions économiques unilatérales imposées par Washington, notamment contre des États comme la Russie et l’Iran. Le système financier international, en particulier les transferts de fonds et le commerce international, est largement régulé par des institutions américaines ou influencées par les États-Unis. Cela donne à ce pays un levier géopolitique substantiel que les BRICS cherchent à contourner.
L'usage du dollar américain expose ces économies à des fluctuations liées à des décisions prises uniquement par les États-Unis. L’instabilité qui en découle peut affecter le coût de la dette souveraine, la compétitivité des exportations et le financement des infrastructures. En se tournant vers la cryptomonnaie, ces pays cherchent à diversifier leurs réserves monétaires, ce qui leur permettrait de mieux résister aux crises financières mondiales.
L'utilisation des cryptomonnaies offre un certain degré d’autonomie par rapport aux systèmes bancaires et aux contrôles financiers occidentaux. La Chine, par exemple, a fortement investi dans le développement de sa propre monnaie numérique, le yuan numérique (e-CNY), avec pour objectif d'en faire un moyen de paiement international, notamment pour le commerce avec les partenaires stratégiques
Les sanctions économiques américaines et européennes sont souvent appliquées via le système financier international en passant par le dollar, via le réseau SWIFT et d'autres systèmes bancaires sous contrôle occidental. Pour des pays comme la Russie et l’Iran, les cryptomonnaies représentent une solution alternative pour continuer les échanges économiques internationaux tout en échappant à ces sanctions.
L'évolution vers un monde multipolaire, où plusieurs puissances régionales et mondiales se partagent l'influence géopolitique et économique, encourage ces pays à adopter des moyens financiers plus diversifiés et moins centrés sur l'Occident. Le bloc des BRICS incarne cette volonté de promouvoir un nouvel ordre financier international, où des économies émergentes auraient plus de poids dans la gestion des flux monétaires globaux.
La cryptomonnaie, en tant que technologie décentralisée, devient donc une partie intégrante de ce nouveau paradigme. L’introduction des monnaies numériques d’État (Central Bank Digital Currencies - CBDC) en Chine et la forte adoption des technologies blockchain en Inde et au Brésil sont des signes clairs de cette transition vers des systèmes plus autonomes et décentralisés.
Les CBDC (Central Bank Digital Currencies), cryptomonnaies de banque centrale, telles que le yuan numérique chinois, sont une forme contrôlée de cryptomonnaie qui combine les avantages de la technologie blockchain avec un contrôle étatique strict. Elles permettent des transactions transfrontalières plus rapides, sécurisées, et échappent en partie au système SWIFT. Cette adoption montre que l’influence des BRICS sur la finance mondiale pourrait croître au fur et à mesure que ces technologies se développent.
Bien que les cryptomonnaies décentralisées comme le Bitcoin ne soient pas directement utilisées par les gouvernements, elles constituent une alternative en matière de stockage de valeur et d’investissement. Certains pays, confrontés à l’instabilité de leur monnaie nationale ou à des sanctions, se tournent vers le Bitcoin ou d'autres cryptomonnaies pour sécuriser leurs réserves de valeur.
La Chine cherche à renforcer le yuan comme monnaie internationale, tout en développant ses propres infrastructures numériques (e-CNY) afin d’avoir une alternative au dollar dans le commerce mondial. La Chine vise également à dominer la régulation des cryptomonnaies en imposant des restrictions sévères sur les cryptos décentralisées.
La Russie, pour sa part subissant de lourdes sanctions, voit dans les cryptomonnaies une opportunité pour maintenir le commerce international avec des partenaires stratégiques comme la Chine et l'Iran, en contournant les systèmes financiers traditionnels sous contrôle occidental.
L’Inde, avec son secteur technologique en plein essor, cherche à se positionner comme un leader dans la technologie blockchain tout en limitant l'usage des cryptomonnaies non régulées à des fins de sécurité économique. Cependant, elle explore les bénéfices des CBDC pour faciliter le commerce intra-BRICS.
Pour l’Afrique du Sud et Brésil, bien que plus réservés sur l’utilisation de cryptomonnaies, voient dans la diversification monétaire un moyen de se prémunir contre les chocs économiques globaux et de renforcer leur position dans un monde multipolaire.
En définitive, le mouvement des BRICS vers une substitution partielle du dollar par des cryptomonnaies ou des monnaies numériques est emblématique de la montée d’un nouvel ordre mondial multipolaire. Il reflète une volonté de souveraineté économique, d'évitement des sanctions et de diversification monétaire. Les cryptomonnaies, qu'elles soient décentralisées ou sous forme de CBDC, joueront un rôle clé dans l’avenir des échanges internationaux et du système financier global, avec des implications majeures pour la domination du dollar et les dynamiques économiques mondiales.