L’économie marocaine se caractérise par un paradoxe tenace ; une résilience et une progression notables face à un secteur de l’emploi à la traine. Malgré les effets induits par la succession des chocs et leur simultanéité, et d'un contexte international instable, l'économie marocaine a marqué un rebond de sa croissance économique à 3,2% en moyenne des quatre trimestres de l'année 2023, après le ralentissement enregistré en 2022 à 1,3%. Lire plus
La situation du marché du travail au Maroc reflète des défis persistants et profonds, qui ont un impact direct sur la dynamique économique, sociale et sur les aspirations individuelles, en particulier parmi les jeunes. Avec un taux de chômage de 13,7 % au premier trimestre de 2024, des disparités notables existent entre les zones urbaines (17,6 %) et rurales (6,8 %), et le chômage des jeunes reste alarmant, atteignant 35,9 % pour les 15-24 ans, tandis que les diplômés et les femmes enregistrent des taux de 20,3 % et 20,1 % respectivement.
Ce taux de chômage élevé, associé à un faible taux d'activité féminine (seulement 18,3 %), accentue l'exclusion sociale et économique de larges segments de la population. Le phénomène NEET (ni en emploi, ni en éducation, ni en formation) est particulièrement inquiétant, touchant 26,1 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans, soit environ 1,5 million de personnes. Ce phénomène exacerbe l'envie d'émigrer parmi les jeunes, qui voient souvent peu de perspectives d'emploi stable et de développement personnel au sein de leur pays.
La lenteur de la création d'emplois est un autre facteur préoccupant. Entre 2000 et 2009, chaque point de croissance permettait de créer 32 000 emplois, contre seulement 20 000 entre 2010 et 2019. De plus, le Maroc a perdu 181 000 emplois entre 2021 et 2023, marquant un recul inquiétant de l'emploi dans une période de relance économique post-pandémique. Malgré une augmentation de l'emploi salarié, le secteur informel continue d’occuper un tiers des emplois non agricoles, posant des problèmes de stabilité, de sécurité sociale et de droits pour les travailleurs concernés.
Les jeunes, déçus par la qualité et la pérennité des emplois proposés, se tournent de plus en plus vers l'émigration comme alternative. L'inadéquation entre les formations et les exigences du marché accentue cette frustration : les programmes éducatifs et de formation ne semblent pas évoluer au rythme des besoins réels du marché, ce qui marginalise une partie de la main-d’œuvre qualifiée qui peine à trouver des emplois correspondant à ses compétences.
Ces défis restent tenaces malgré des décennies d’efforts. La mise en place d’un nouveau code du travail, la restructuration du service public de l’emploi, les politiques de l'emploi et le renforcement des statistiques n'ont pas réussi à atténuer le poids du secteur informel ni à répondre efficacement à la demande d'emplois de qualité. En l'absence de réformes structurelles et de stratégies inclusives, le marché du travail marocain peine à absorber les nouvelles générations de travailleurs, ce qui alimente un sentiment de découragement et un désir croissant d’émigrer parmi les jeunes.
Pour freiner cette tendance, le Maroc devra redoubler d'efforts pour restructurer l'économie en promouvant des emplois formels de qualité, mieux aligner les programmes de formation avec les besoins des entreprises, et garantir une meilleure inclusion des femmes dans le marché du travail. Le développement de nouvelles filières économiques et la modernisation du secteur informel pourraient constituer des solutions viables pour offrir des perspectives d'avenir et réduire l'attrait de l'émigration chez les jeunes générations.
