La montée en puissance des réseaux sociaux et leur appropriation par des manipulateurs d’opinions ont profondément bouleversé les cadres analytiques traditionnels des sciences humaines, politiques et du droit international. Les outils classiques d’analyse des sociétés, souvent basés sur des modèles rationalistes et progressistes, se heurtent désormais à une dynamique de polarisation extrême et de fragmentation de l’information. Lire plus
L’émergence de phénomènes populistes tels que le Brexit ou l’élection de Donald Trump témoigne de l’imprévisibilité croissante des comportements sociaux et électoraux, échappant aux grilles de lecture traditionnelles. Ces événements, souvent nourris par des campagnes de désinformation et des algorithmes amplifiant les biais cognitifs, remettent en question la capacité des sciences sociales à prévoir ou expliquer ces changements.
L’immigration, qui fut autrefois analysée dans le cadre des flux démographiques et des nécessités économiques, est désormais instrumentalisée comme un levier de peur et de division. Les discours populistes présentent les migrants comme une menace existentielle, écartant toute perspective rationnelle sur leur potentiel à revitaliser des économies vieillissantes. En Italie, par exemple, le gouvernement Meloni a accentué le durcissement des politiques migratoires, en phase avec une rhétorique européenne de plus en plus hostile. De tels positionnements réduisent les sciences sociales à un rôle marginal, incapables d’endiguer une perception publique façonnée par des narratifs émotionnels et viraux.
Le droit international, longtemps perçu comme une garantie de l’ordre mondial, semble également en perte de légitimité. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, constitue un affront flagrant aux principes fondamentaux du droit international. Cette violation majeure illustre la faiblesse des institutions multilatérales, désormais incapables de contenir des puissances agissant en dehors de toute légalité. Les tentatives de sanction et d’isolement se heurtent à la complexité des interdépendances économiques et des alliances stratégiques, amplifiant une impression de chaos où le droit devient secondaire face aux rapports de force.
Le basculement du monde vers un ordre imprévisible interroge la pertinence même des disciplines académiques censées éclairer nos sociétés. Les sciences humaines et politiques peinent à s’adapter à un univers où les émotions et les perceptions dominent les faits. Face à cet effondrement des cadres d’analyse traditionnels, une remise en question profonde s’impose. Le défi est de repenser ces disciplines pour qu’elles intègrent les dynamiques numériques, les effets des algorithmes et l’émergence d’un monde multipolaire où les certitudes du passé sont balayées par des forces incontrôlées.