La souveraineté numérique désigne la capacité des États et des régions à contrôler leurs données, leurs infrastructures numériques et leur cybersécurité face à une dépendance croissante vis-à-vis des géants technologiques. Lire plus
En 2024, les entreprises comme Google, Amazon, Meta, Apple et Microsoft (souvent désignées par l'acronyme GAFAM) continuent de dominer les marchés mondiaux, allant des moteurs de recherche et des plateformes sociales aux infrastructures cloud. En parallèle, des entreprises asiatiques telles que Alibaba, Tencent et Huawei renforcent leur influence, notamment en Asie et en Afrique.
Cette domination soulève des préoccupations stratégiques majeures pour les États, liées à la protection des données personnelles, à la résilience des infrastructures critiques et à la lutte contre les monopoles numériques.
Les géants technologiques contrôlent non seulement les plateformes numériques mais également les infrastructures sous-jacentes telles que les centres de données, les câbles sous-marins et les services cloud. En 2024, Amazon Web Services (AWS) et Microsoft Azure détiennent à eux seuls plus de 50 % du marché mondial du cloud computing, rendant de nombreuses entreprises et gouvernements dépendants de ces services.
Cette concentration crée un déséquilibre entre les intérêts des grandes entreprises et ceux des États, limitant la capacité de ces derniers à développer des alternatives nationales ou régionales.
Face à cette dépendance, plusieurs régions du monde ont pris des mesures pour renforcer leur souveraineté numérique. L’Union européenne, par exemple, a mis en place des régulations ambitieuses comme le Règlement général sur la protection des données (RGPD) et la Loi sur les marchés numériques (DMA), visant à limiter les pratiques anticoncurrentielles et à renforcer la protection des utilisateurs.
Cependant, ces efforts restent limités par l’absence d’alternatives européennes viables aux GAFAM. Le lancement d’initiatives telles que Gaia-X, un projet européen de cloud souverain, illustre la volonté de reprendre le contrôle, mais son adoption reste lente et fragmentée.
La domination des géants technologiques n’est pas uniquement une question économique : elle revêt une dimension géopolitique. Les données collectées par ces entreprises sont souvent exploitées pour des usages commerciaux et parfois pour des objectifs de surveillance ou d’influence politique.
En 2024, des tensions ont émergé autour des restrictions imposées à TikTok, une plateforme chinoise, dans plusieurs pays occidentaux, accusée de partager des données avec le gouvernement chinois. Ces conflits soulignent les risques d’une guerre froide numérique où les infrastructures technologiques deviennent des instruments de pouvoir géopolitique.
Certains pays adoptent des stratégies pour développer des alternatives locales et réduire leur dépendance. La Chine, par exemple, a établi un écosystème numérique largement indépendant, avec des géants nationaux tels que Baidu et Tencent.
La Russie a également renforcé son autonomie numérique à travers des plateformes locales et un contrôle accru d’Internet. En Afrique et en Amérique latine, des initiatives émergent pour développer des infrastructures régionales, bien que ces efforts soient freinés par des défis financiers et techniques.
Toutefois, une quête excessive de souveraineté numérique peut conduire à une balkanisation de l’Internet, où chaque État ou région établit ses propres règles, infrastructures et limitations. Ce phénomène risque de fragmenter davantage l’écosystème numérique mondial, rendant la collaboration internationale plus complexe.
De plus, les États autoritaires exploitent souvent l’argument de la souveraineté numérique pour justifier des restrictions à la liberté d’expression et des pratiques de censure.
Pour concilier souveraineté numérique et ouverture mondiale, il est essentiel de promouvoir des partenariats publics-privés, de soutenir les startups locales et de favoriser des standards technologiques communs.
En 2025, des initiatives comme Gaia-X en Europe et l’Alliance pour un Internet ouvert (Open Internet Alliance) pourraient gagner en traction. Cependant, seule une gouvernance mondiale renforcée, impliquant les gouvernements, les entreprises technologiques et la société civile, permettra de trouver un équilibre entre innovation technologique et respect des souverainetés nationales. L’avenir du numérique repose sur la capacité des États à collaborer tout en affirmant leur autonomie stratégique.