
L'Algérie rend hommage au Maroc, bien que ce ne soit pas de manière assumée. Plus
Depuis plusieurs années, les médias algériens, sous le contrôle strict du pouvoir en place, semblent s'être donné pour mission de s'approprier divers aspects du patrimoine culturel marocain. Délivrés de toute voix dissidente, ces médias présentent comme algériens des éléments distinctifs de la culture millénaire marocaine, notamment l'art culinaire, la musique andalouse, le caftan ou encore le zellige. Cette démarche, qui semble relever d'une volonté d'édification identitaire artificielle, témoigne paradoxalement de l'influence majeure du Maroc sur l'histoire et la culture de la région.Historiquement, le territoire sur lequel est située l'Algérie d'aujourd'hui faisait partie intégrante de l’emprise des dynasties marocaines. Ce territoire a été arraché une première fois par les Ottomans à l'apogée de leur puissance, puis une seconde fois par les Français lorsqu'ils ont mis fin à la domination turque. Ce n'est qu'à partir de 1839 que l'entité géographique connut le nom d'"Algérie", un nom conféré par la France coloniale. Avant cela, les grandes dynasties marocaines, telles que les Almoravides et les Almohades, ont marqué ces régions de leur empreinte, structurant la culture, l'architecture et la vie sociale.
Depuis son indépendance en 1962, le pouvoir algérien cherche à se forger une identité nationale qui remonterait à plus de mille ans, alors que son existence en tant qu'État souverain est récente. Pour donner corps à cette construction historique chimérique, il repose sur deux piliers : la "rente mémorielle" vis-à-vis de la colonisation française et l'appropriation d'éléments culturels marocains. En ce sens, chaque revendication culturelle algérienne portant sur des aspects historiquement marocains est, en réalité, une reconnaissance implicite de l'influence prépondérante du Maroc sur la région.
Les exemples d'appropriation culturelle sont nombreux. Le caftan marocain, vêtement emblématique porté depuis des siècles dans les cours royales du Maroc, est aujourd'hui présenté en Algérie comme une tenue traditionnelle propre à ce pays. De même, le zellige marocain, dont l'art remonte à l'époque des Mérinides et qui orne les palais et mosquées du Maroc, est revendiqué comme partie intégrante du patrimoine algérien. Quant à la musique andalouse, qui a trouvé refuge et essor au Maroc après la chute de Grenade, elle est souvent présentée par les médias algériens comme une création autochtone algérienne. Ces tentatives d’appropriation témoignent non seulement d’un manque d’authenticité, mais aussi d’une dépendance culturelle persistante vis-à-vis du Maroc.
Ainsi, loin de masquer la vérité historique, cette obsession du pouvoir algérien à vouloir s’attribuer des éléments du patrimoine marocain constitue, en réalité, un hommage involontaire rendu à la richesse et à la continuité historique du Maroc. En mettant en avant ces traditions, même sous une fausse paternité, l’Algérie ne fait que reconnaître l’apport inestimable du Maroc à la culture maghrébine et même au-delà. Il appartient aux citoyens algériens de revendiquer cette réalité historique et culturelle avec fierté, au lieu de se laisser enfermer dans un discours artificiel dicté par un pouvoir en quête de légitimité.
En définitive, le pouvoir algérien peut continuer d’exalter ces éléments culturels, mais ce faisant, il ne fait que rendre hommage au Maroc. L’histoire ne peut être réécrite, et l’identité d’une nation ne se construit pas sur l’appropriation d’un héritage qui lui est étranger. Il serait plus judicieux pour l’Algérie d’embrasser son véritable passé et d’honorer ses propres apports au patrimoine régional, plutôt que de chercher à dérober ceux de son voisin marocain.
