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09 avril 2025

CYBERSÉCURITÉ : Attaque contre la CNSS. Qui est responsable?- Par G. Amidot

Publié par G. Amidot le 9/4/2025

L'attaque dévastatrice du 8 avril 2025 contre la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) marocaine révèle le rôle crucial et la responsabilé flagrante des administrateurs des institutions stratégiques au niveau national. Plus

Les Chief Information Security Officers (CISO) occupent une position stratégique dans la protection des systèmes d'information des organisations. Leur rôle est mis sous les projecteurs  après le hacking de la CNSS marocaine, où des hackers algériens ont réussi à subtiliser pas moins de 500 000 fichiers sensibles. Cet incident majeur met en lumière l'urgence de clarifier les responsabilités légales en matière de cybersécurité au Maroc.

Au cœur de cette problématique se trouve le cadre juridique marocain, notamment la loi 05-20 sur la cybersécurité et la loi 09-08 relative à la protection des données personnelles. Ces textes imposent aux organisations, et particulièrement à leurs CISO, des obligations strictes en matière de sécurité des données. Ils doivent non seulement mettre en place des mesures de protection adéquates comme des pare-feu et des systèmes de détection d'intrusion, mais aussi former le personnel et établir des plans de réponse aux incidents. 

Dans le cas de la CNSS, l'analyse préliminaire révèle plusieurs défaillances : une vulnérabilité non corrigée dans le système de gestion, un retard dans la détection de l'intrusion, et une notification tardive aux autorités dépassant le délai légal de 72 heures.

La question de la responsabilité dans cette affaire se situe à plusieurs niveaux. Le CISO de la CNSS pourrait voir sa responsabilité engagée s'il est établi qu'il a négligé d'appliquer des correctifs de sécurité pourtant disponibles ou ignoré des alertes préalables. Cependant, la direction de l'organisation n'est pas exempte de reproches, notamment si elle a fait preuve de laxisme dans l'allocation des budgets nécessaires à la sécurité informatique malgré les mises en garde répétées. L'État marocain lui-même pourrait être questionné sur l'adéquation des normes imposées aux institutions publiques face aux cybermenaces actuelles.

Les conséquences potentielles sont sérieuses. La loi marocaine prévoit des amendes pouvant atteindre 2% du chiffre d'affaires pour les entreprises privées, et des sanctions administratives pour les entités publiques en cas de négligence avérée. Des poursuites pénales pourraient également être engagées en vertu de l'article 7 de la loi 05-20, sans compter les sanctions disciplinaires qui pourraient frapper les responsables techniques.

Cette attaque contre la CNSS s'inscrit dans un contexte régional préoccupant. Le Maroc a déjà subi des cyberattaques majeures, comme celle contre le Ministère de l'Équipement en 2023, tandis que l'Algérie, d'où proviennent les auteurs de l'attaque actuelle, a elle-même été victime de piratages en 2024. Ces incidents répétés soulignent la vulnérabilité particulière des institutions publiques, souvent handicapées par des budgets cybersécurité insuffisants, et mettent en évidence les lacunes de la coopération régionale en matière de cyberdéfense.

Face à cette situation, plusieurs mesures s'imposent. Des audits de sécurité renforcés et réguliers, supervisés par l'ANRT (Agence Nationale de Réglementation  des Télécommunications)et la CNDP (CommissionNationalede Protection des Données à caractère Personnel), devraient être instaurés. La collaboration avec Interpol et les Computer Emergency Response Teams (CERT) régionaux doit être intensifiée pour mieux traquer les cybercriminels opérant au-delà des frontières. 

Par ailleurs, la modernisation des infrastructures informatiques des administrations publiques, avec l'adoption de solutions cloud sécurisées et de systèmes de surveillance en temps réel, apparaît comme une nécessité urgente. Enfin, et peut-être surtout, la cybersécurité doit devenir une priorité absolue au plus haut niveau des organisations, intégrée dans les stratégies des conseils d'administration.

L'attaque contre la CNSS nous rappelle avec force que la sécurité informatique n'est plus une option, mais une obligation légale et stratégique. Si les CISO sont en première ligne, leur action doit être soutenue par une direction consciente de ses responsabilités et par un cadre législatif adapté aux enjeux contemporains. 

Les prochaines étapes devraient inclure une enquête judiciaire approfondie pour déterminer les responsabilités exactes dans cette affaire, une révision des budgets alloués à la cybersécurité dans les institutions publiques, et un renforcement du cadre légal pour y inclure des audits obligatoires et des sanctions véritablement dissuasives. Les données volées, révélées sur des forums underground par des hackers algériens, constituent un avertissement sérieux : dans l'ère numérique, la protection des données est une question de souveraineté nationale.

 


 

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