
Le secteur agricole, bien qu’il constitue historiquement un pilier central de l’économie marocaine, représente aujourd’hui l’un des principaux facteurs de vulnérabilité du pays.
Fortement tributaire des conditions climatiques, il expose régulièrement l’ensemble de l’économie à des chocs exogènes, comme l’illustrent les épisodes répétés de sécheresse de ces dernières années. Ce lien étroit entre les performances économiques globales et les aléas du ciel fragilise la planification et l’investissement à long terme. De surcroît, l’agriculture absorbe une part disproportionnée des ressources hydriques, souvent au bénéfice de cultures orientées vers l’exportation, au détriment de la sécurité alimentaire et de la durabilité écologique. Dans cette optique, il devient essentiel de rééquilibrer le modèle de croissance en réduisant progressivement la part de l’agriculture dans le PIB, et en renforçant celle des secteurs industriels et tertiaires, plus résilients, créateurs d’emplois qualifiés et capables de porter une croissance plus stable et durable. Une telle réorientation offrirait au Maroc une meilleure sécurité économique, tout en préservant ses ressources naturelles les plus précieuses.À la fin de l’année 2024, l’économie marocaine a connu un ralentissement notable, marqué par une croissance de seulement 2,5 %, principalement en raison d'une baisse significative de la production agricole affectée par des conditions climatiques difficiles. Néanmoins, les perspectives pour 2025 s'annoncent plus favorables, avec une croissance prévue de 5 %. Cette reprise devrait être portée essentiellement par les secteurs non agricoles, notamment l’industrie, les services, ainsi que les investissements publics et privés.
Le secteur agricole, historiquement central dans l’économie du pays, a reculé de 5 % en 2024. Il reste néanmoins un moteur important, avec une reprise estimée à 4,1 % en 2025. Cette dynamique demeure toutefois fragile, car l’agriculture marocaine reste extrêmement vulnérable aux aléas climatiques. Les sécheresses prolongées, en particulier dans des régions comme le Souss, ont sérieusement affecté les récoltes et mis en évidence les limites d’un modèle fondé sur l’exportation de cultures intensives en eau, comme les tomates, les pastèques, les avocats etc.. Ces cultures, bien que lucratives, ont contribué à aggraver une crise hydrique déjà critique, soulevant des questions de durabilité et de souveraineté alimentaire.
En revanche, les secteurs industriels ont connu une croissance robuste. L’industrie chimique a enregistré une hausse de près de 13 % en 2024, tirée par la forte demande internationale en engrais phosphatés. Le secteur automobile et aéronautique a également affiché des performances remarquables, avec une croissance de plus de 14 %, notamment grâce aux investissements étrangers et au développement de filières liées à la transition énergétique, comme les batteries pour véhicules électriques. Le textile, pour sa part, reste plus en retrait, confronté à une concurrence étrangère forte et à des coûts élevés de production.
Le secteur du bâtiment et des travaux publics a bénéficié d’une reprise modérée, avec une croissance de près de 4 % attendue en 2025, notamment grâce à la baisse du coût des matériaux de construction et à la relance de projets d’infrastructure. Quant aux services, ils ont connu une dynamique soutenue, tirée en particulier par le tourisme. Ce dernier a enregistré une hausse significative des arrivées et des recettes, confirmant son rôle stratégique dans la diversification de l’économie nationale. Le secteur a aussi contribué à la création nette de plusieurs centaines de milliers d’emplois, en contraste avec les pertes enregistrées dans l’agriculture.
Face à ces évolutions, une réflexion stratégique s’impose sur le rôle futur de l’agriculture dans le développement du pays. Il devient urgent de revoir le modèle agricole actuel, qui privilégie l’exportation de produits très consommateurs en eau, au détriment des besoins internes et de la préservation des ressources naturelles. L’objectif devrait désormais être de recentrer l’agriculture sur l’autosuffisance alimentaire, en soutenant les cultures vivrières essentielles comme les céréales et les légumineuses, tout en limitant progressivement les cultures d’exportation aux zones où elles ne menacent pas l’équilibre hydrique.
Pour accompagner cette transition, il serait pertinent de réorienter les subventions publiques vers les petits agriculteurs afin de promouvoir des pratiques plus résilientes et durables. L’investissement dans les infrastructures de dessalement et de traitement des eaux usées pourrait également atténuer les pressions sur les ressources en eau douce. Enfin, encourager la production locale, biologique et respectueuse de l’environnement permettrait non seulement de renforcer la sécurité alimentaire, mais aussi de valoriser les circuits courts et les emplois ruraux.
Le Maroc se trouve aujourd’hui à un tournant. Il dispose de secteurs industriels et de services en pleine expansion, capables de porter la croissance future. Mais cela ne pourra se faire de manière équilibrée qu’à condition de réinventer le rôle de l’agriculture, non plus comme vecteur d’exportation, mais comme pilier de souveraineté et de résilience écologique.
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