Depuis quelques années, l’Afrique est redevenue le théâtre
d’une intense compétition géopolitique entre grandes puissances.
Ce déplacement n’a cependant rien d’un sommet classique de coopération. Depuis son retour à la Maison Blanche, Trump a relégué aux oubliettes les grands programmes d’aide au développement comme l’USAID ou Power Africa, qu’il juge inefficaces ou trop coûteux. Il leur préfère une approche strictement transactionnelle, fondée sur le principe du donnant-donnant. Dans cette nouvelle grille de lecture, les relations avec l’Afrique ne sont plus portées par une vision de développement ou de coopération à long terme, mais par des intérêts économiques directs : minerais contre infrastructures, contrats sécuritaires contre reconnaissance diplomatique. Les pays africains sont ainsi invités à négocier individuellement leur position dans un cadre bilatéral, en échange de contreparties immédiates. Cette orientation séduit certains régimes autoritaires, mais elle comporte aussi le risque d’une fragmentation des intérêts africains et d’un renforcement des rapports de dépendance.
Face à cette posture américaine, la Chine maintient une présence bien plus structurée sur le continent. Depuis vingt ans, elle a bâti un maillage dense d’accords bilatéraux, de projets d’infrastructure financés par des prêts avantageux et de participations directes dans l’extraction des ressources. Sa stratégie repose sur un discours pragmatique, sans ingérence politique, qui séduit de nombreux gouvernements africains. Pékin contrôle déjà une large part de la chaîne mondiale de transformation des minerais critiques et cherche désormais à sécuriser encore davantage son accès aux matières premières africaines. En parallèle, la Russie, bien qu’économiquement plus fragile, renforce son influence par d’autres moyens : coopération militaire, envoi de conseillers, accords sécuritaires avec des régimes instables ou isolés. En Centrafrique, au Mali ou au Niger, la présence russe s’est substituée à celle des puissances occidentales, en échange de concessions minières ou de positions stratégiques.
Dans ce grand jeu, l’Afrique ne se limite pas à un rôle de terrain passif. Des États comme le Rwanda, le Ghana, le Maroc ou encore l’Afrique du Sud, jouent la carte de la multipolarité. Mais pour d’autres, moins stables ou moins avancés, la tentation d’un alignement exclusif peut vite se transformer en dépendance stratégique, surtout si les contreparties promises tardent à se concrétiser. L’Algérie en offre un exemple révélateur. Malgré des signaux envoyés vers Washington, y compris sur le dossier des énergies vertes et du lithium, le pays ne semble pas avoir obtenu de retour significatif, probablement en raison de ses liens anciens et persistants avec Moscou.
Aujourd’hui, les États-Unis tentent de revenir dans le jeu, mais leur stratégie transactionnelle ne rencontre pas toujours l’adhésion attendue. La Chine conserve une avance nette en matière d’investissements et de contrôle industriel, tandis que la Russie s’ancre durablement dans certains pays via des partenariats sécuritaires. L’Afrique se trouve ainsi au centre d’un nouveau "grand jeu" mondial où les alliances se font et se défont au gré des ressources, des vulnérabilités et des ambitions nationales. La véritable question, pour les pays africains, sera de savoir s’ils peuvent transformer cet intérêt en levier réel de développement et de souveraineté, ou s’ils resteront pris dans une nouvelle dépendance déguisée sous les habits de la compétition mondiale.
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