L’intelligence artificielle (IA) générative, initialement
conçue pour assister les utilisateurs dans la création de contenus textuels,
visuels ou audio, connaît aujourd’hui un détournement préoccupant dans le
domaine de la cybersécurité.
Ces modèles permettent en effet de produire des messages sans fautes, adaptés au contexte culturel et linguistique de la cible, et même personnalisés à partir d’informations publiques disponibles sur les réseaux sociaux. Le phishing, autrefois reconnaissable par des formulations maladroites ou des erreurs grossières, devient ainsi beaucoup plus difficile à détecter pour les utilisateurs non avertis. Un courriel imitant parfaitement le style d’un supérieur hiérarchique ou d’une institution bancaire crédible peut désormais être généré en quelques secondes par une IA.
Au-delà du phishing, ces outils sont également exploités pour l’ingénierie sociale, une technique qui consiste à manipuler les individus afin de leur soutirer des informations sensibles ou de les inciter à réaliser des actions compromettantes. Les IA génératives peuvent simuler des dialogues crédibles, créer des scénarios d’urgence ou même rédiger des scripts de conversation pour des attaques par téléphone (vishing) ou par messagerie instantanée. Le cybercriminel n’a plus besoin d’une expertise linguistique ou rédactionnelle avancée : l’IA s’en charge pour lui.
L’automatisation rend la menace encore plus préoccupante. En couplant ces modèles à des bots ou à des systèmes d’automatisation, les attaquants peuvent lancer des campagnes massives et adaptatives, où chaque message est légèrement personnalisé pour échapper aux filtres anti-spam et augmenter le taux de succès. Cette capacité de génération en masse, combinée à l’analyse préalable de données (OSINT), crée un environnement idéal pour des attaques sophistiquées et difficilement traçables.
Face à cette évolution, les solutions de cybersécurité traditionnelles, basées sur la détection de mots-clés ou de structures suspectes, montrent leurs limites. Il devient nécessaire de développer des contre-mesures exploitant elles aussi l’IA, capables de repérer des signaux plus subtils : anomalies comportementales, incohérences temporelles ou schémas d’interaction atypiques. L’éducation et la sensibilisation des utilisateurs restent toutefois un rempart essentiel, car la faille principale demeure souvent le facteur humain.
Paradoxalement, les mêmes modèles d’IA générative qui alimentent ces attaques peuvent aussi être mobilisés pour les contrer. En analysant les contenus suspects et en détectant les tentatives de manipulation émotionnelle ou linguistique, l’IA peut servir de garde-fou contre les campagnes de phishing et d’ingénierie sociale. La bataille entre défenseurs et attaquants entre ainsi dans une nouvelle ère : celle d’une course aux algorithmes, où l’intelligence artificielle se retrouve des deux côtés de la barrière.
Cette réalité soulève des questions éthiques et réglementaires. Les fournisseurs d’IA doivent renforcer leurs garde-fous pour empêcher l’utilisation malveillante de leurs modèles, sans pour autant freiner l’innovation ou restreindre indûment les usages légitimes. La transparence, la mise en place de filtres contextuels et l’obligation de signaler les usages abusifs pourraient constituer des pistes pour limiter ce détournement. À défaut, l’IA générative risque de devenir un outil de prédilection pour les cybercriminels, rendant les attaques plus crédibles, plus rapides et plus difficiles à contrer.
SUIVEZ-NOUS SUR ▼▼

www.kaleidoscope.ma
pour avoir accès à nos nombreuses rubriques,
à tous nos articles et à toutes nos pages.