Au Maroc, l'agriculture d'exportation a longtemps été considérée comme un moteur essentiel de croissance économique et de rentrée de devises. Cependant, cette orientation tournée vers l'extérieur a progressivement révélé ses limites, notamment face à une demande intérieure croissante et aux tensions sur les ressources naturelles, en particulier l'eau.
La réduction partielle des cultures destinées à l’exportation pourrait permettre une réorientation stratégique vers des produits de base indispensables pour le marché local : céréales, légumineuses, légumes et protéines animales. Ce recentrage aurait pour avantage d'assurer une plus grande disponibilité alimentaire, de stabiliser les prix pour les consommateurs marocains et de réduire la dépendance aux importations, particulièrement vulnérables aux fluctuations des marchés mondiaux. Un tel choix renforcerait également la résilience du pays face aux crises internationales, comme celles récemment observées avec la pandémie de COVID-19 ou les tensions géopolitiques perturbant les chaînes d'approvisionnement.
Toutefois, cette transition ne se ferait pas sans défis majeurs. D’une part, l'agriculture d'exportation génère des revenus substantiels en devises et soutient de nombreux emplois, notamment dans les zones rurales. Diminuer ces filières sans alternative immédiate pourrait entraîner des pertes économiques et sociales importantes. D’autre part, les agriculteurs et investisseurs ayant orienté leurs activités vers l’export bénéficient d’infrastructures, de contrats et de réseaux commerciaux qui ne sont pas aisément reconfigurables vers le marché intérieur. La reconversion nécessiterait des incitations fiscales, des mécanismes de soutien et une planification progressive.
Sur le plan environnemental, cette réorientation pourrait constituer un tournant bénéfique. Les cultures d'exportation, souvent intensives et fortement consommatrices en eau (notamment dans les zones arides comme le Souss-Massa), exercent une pression croissante sur les ressources hydriques et les sols. En limitant leur expansion et en favorisant des cultures vivrières adaptées aux conditions climatiques locales, le Maroc pourrait préserver ses nappes phréatiques, réduire les tensions interrégionales sur l’eau et s’inscrire dans une stratégie agricole plus durable.
La réussite de cette démarche dépendra aussi de la capacité à développer d’autres secteurs économiques pour compenser la perte de devises et d’emplois agricoles. L’industrie manufacturière, les énergies renouvelables, le tourisme durable et les services numériques figurent parmi les pistes les plus prometteuses. Leur essor permettrait de maintenir un équilibre macroéconomique tout en allégeant la dépendance de l’économie aux exportations agricoles. Une politique cohérente et concertée avec les acteurs privés serait indispensable pour orchestrer cette transition sans fragiliser l’économie rurale.
Réduire la part de l'agriculture d'exportation n'est pas un renoncement, mais une stratégie d'adaptation face aux défis climatiques, sociaux et alimentaires qui s’annoncent. Cette évolution suppose une approche graduelle, équilibrée et visionnaire, où l’agriculture continuerait à jouer un rôle clé, mais dans une logique davantage tournée vers la souveraineté alimentaire et le bien-être des citoyens marocains.
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