L’agriculture cellulaire, qui consiste à produire de la viande sans élevage traditionnel, entre aujourd’hui dans une phase industrielle décisive.
La viande cultivée repose sur la culture de cellules animales dans des bioréacteurs, sans avoir recours à l’abattage. À partir de cellules souches prélevées sur des animaux, les scientifiques reproduisent les conditions nécessaires pour générer des fibres musculaires et des tissus gras similaires à ceux que l’on retrouve dans la viande conventionnelle. Le processus, longtemps coûteux et complexe, a connu des avancées significatives en matière d’optimisation des milieux de culture et de réduction des coûts de production, ouvrant la voie à une commercialisation plus large.
L’un des principaux arguments en faveur de cette technologie est son potentiel environnemental. L’élevage intensif représente près de 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et nécessite d’immenses surfaces de terres et des ressources en eau considérables. En produisant de la viande en bioréacteurs, il est possible de réduire drastiquement ces impacts, tout en limitant la déforestation et la perte de biodiversité associées à l’expansion des pâturages et des cultures fourragères. À terme, la viande cultivée pourrait devenir une composante clé des stratégies de réduction des émissions dans le secteur alimentaire.
La dimension sanitaire n’est pas en reste. En éliminant la nécessité d’élever des milliards d’animaux, cette approche limite les risques de zoonoses et d’utilisation massive d’antibiotiques, deux problématiques majeures mises en lumière par les récentes crises sanitaires. Les usines de viande cultivée fonctionnent dans des environnements hautement contrôlés, réduisant considérablement les risques de contamination bactérienne et offrant une traçabilité accrue du produit final.
Cependant, plusieurs défis demeurent avant une adoption de masse. Le coût de production, bien qu’en forte baisse, reste supérieur à celui de la viande traditionnelle, et les infrastructures industrielles doivent encore monter en puissance pour répondre à la demande mondiale. Par ailleurs, l’acceptation par les consommateurs sera déterminante : certains y voient une avancée écologique et éthique majeure, tandis que d’autres s’inquiètent de la « naturalité » de ce type d’aliment et préfèrent des solutions plus traditionnelles, comme la réduction de la consommation carnée ou l’agriculture régénératrice.
Les gouvernements commencent à adapter leur cadre réglementaire pour accompagner ce secteur en pleine expansion. Singapour a ouvert la voie en autorisant la commercialisation de la viande cultivée dès 2020, suivie par certains États américains et Israël, qui misent sur cette innovation comme levier de souveraineté alimentaire et de leadership technologique. D’autres régions, notamment en Europe, avancent plus prudemment, exigeant des études approfondies sur l’impact sanitaire et environnemental.
À mesure que les capacités industrielles se développent, l’agriculture cellulaire pourrait redessiner la chaîne d’approvisionnement mondiale en protéines animales. Plutôt que de remplacer intégralement l’élevage, elle pourrait s’y adjoindre et répondre aux besoins croissants d’une population mondiale qui atteindra 10 milliards d’habitants d’ici 2050. La question centrale sera alors de savoir si cette révolution technologique parviendra à conjuguer compétitivité économique, bénéfices environnementaux et acceptabilité sociale à grande échelle.
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