L’Inde se positionne progressivement comme l’un des acteurs
les plus ambitieux dans l’univers du Web3, misant sur une régulation proactive
pour encadrer l’innovation tout en attirant capitaux et talents.
En parallèle, l’Union européenne a franchi une étape majeure avec l’adoption du règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets), entré progressivement en application depuis mi-2024. Ce cadre fournit une base harmonisée pour les crypto-actifs dits « classiques » et les stablecoins, imposant des obligations de réserve, de transparence et d’audit aux émetteurs. Toutefois, MiCA ne couvre pas encore deux pans importants de l’économie Web3 : la finance décentralisée (DeFi) et les jetons non fongibles (NFTs). Cette lacune pourrait créer des zones grises où les acteurs européens risquent d’être freinés par l’incertitude réglementaire ou de délocaliser leurs opérations vers des juridictions plus claires.
La différence d’approche entre l’Inde et l’UE reflète deux visions distinctes. L’Inde parie sur une régulation évolutive et centralisée, où l’État reste un acteur fort mais ouvert aux expérimentations, tandis que l’Europe mise sur la solidité juridique et la protection des consommateurs, quitte à ralentir l’adoption dans certains segments. Cette divergence peut influencer les flux d’investissements et la compétitivité des acteurs locaux, avec une Inde potentiellement plus attractive pour les projets Web3 natifs et une Europe plus rassurante pour les investisseurs institutionnels.
Ces cadres réglementaires émergents s’inscrivent dans une compétition mondiale où chaque région tente de définir sa place dans l’économie décentralisée. Les États-Unis, avec leur approche fragmentée et souvent judiciaire (procès et règlements imposés par la SEC ou la CFTC), contrastent avec l’Asie, où Singapour et Hong Kong adoptent des modèles plus permissifs mais encadrés. Dans ce contexte, l’Inde pourrait devenir un hub stratégique pour l’Asie du Sud et servir de relais aux géants technologiques locaux et internationaux qui souhaitent développer des services Web3 sans entrer en conflit frontal avec des régulateurs trop stricts.
Les implications pour la DeFi et les NFTs sont particulièrement notables. En Europe, leur absence de cadre spécifique maintient ces secteurs dans une zone d’expérimentation, mais aussi de risque. Les projets DeFi européens doivent jongler entre l’innovation rapide et la menace de futures régulations potentiellement rétroactives. À l’inverse, l’Inde, en adoptant des lignes directrices souples mais claires, pourrait favoriser l’émergence d’applications DeFi natives et d’usages NFT intégrés à l’économie réelle (immobilier fractionné, titres de propriété numérique, etc.).
Pour les entreprises et investisseurs, ces divergences appellent des stratégies différenciées. Ceux qui visent la conformité et la stabilité privilégieront l’Europe et les marchés régulés sous MiCA, notamment pour les stablecoins et les plateformes centralisées. Ceux qui cherchent à innover rapidement ou à explorer des modèles hybrides entre Web2 et Web3 regarderont avec intérêt l’Inde et d’autres juridictions émergentes. À terme, l’harmonisation internationale pourrait réduire ces écarts, mais pour l’instant, la géographie de l’innovation Web3 reste fragmentée.
Enfin, la question demeure : ces cadres réglementaires sauront-ils évoluer assez vite pour accompagner un secteur en constante mutation ? Le Web3 ne se limite pas aux cryptomonnaies : identité décentralisée, métavers, IA intégrée aux smart contracts, tout cela nécessite des lois capables d’anticiper plutôt que de réagir. L’Inde semble vouloir saisir cette opportunité de manière offensive, tandis que l’Europe avance à pas mesurés, mais avec une robustesse juridique qui pourrait s’avérer précieuse à long terme.
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