Le monde traverse une période de turbulences où les repères
géopolitiques d’hier s’effacent, laissant place à une reconfiguration
incertaine des relations internationales. Les grandes alliances qui
structuraient autrefois l’équilibre mondial semblent vaciller, révélant des
fissures profondes dans le système multilatéral. (Plus)
L’exemple de la Syrie, où la Russie a choisi de ne pas intervenir à la chute de Bachar El-Assad, marque un tournant : les partenariats stratégiques, jadis solides, apparaissent désormais conditionnés par des intérêts éphémères et fluctuants.
Cette désagrégation des alliances est exacerbée par la montée des discours isolationnistes. L’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche a mis en lumière cette tendance, son célèbre "America First" ayant symbolisé un désengagement progressif des États-Unis sur la scène internationale. Lorsqu'il a affirmé que les Européens devaient assumer seuls la défense de l'OTAN, il ne s'agissait pas seulement d'un coup de com'. Cela traduisait une perte de confiance des grandes puissances dans les mécanismes collectifs, jadis garants de stabilité.
En janvier 2025, Trump a franchi un nouveau cap en actant officiellement le retrait des États-Unis de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l'Accord de Paris sur le climat (COP). Ces décisions symboliques traduisent une volonté de rupture nette avec le multilatéralisme, tout en alimentant la crainte d’autres désengagements imminents, notamment dans des cadres stratégiques ou commerciaux essentiels. Ces actes renforcent l'idée que les États-Unis se concentrent désormais sur une politique isolationniste au détriment des engagements globaux.
Pendant ce temps, la Chine observe attentivement les failles de ce système éclaté. Pékin semble jauger l’opportunité d’agir à Taïwan, profitant d’une scène internationale où les alliances se montrent de plus en plus "lâches". Les ambiguïtés des engagements occidentaux sur cette question confortent l’idée que chaque acteur privilégie désormais ses propres intérêts au détriment de la solidarité internationale. Les valeurs partagées qui cimentaient autrefois les alliances, comme la démocratie ou la liberté, sont devenues des outils rhétoriques, vidés de leur substance dans un monde où le pragmatisme l’emporte sur les idéaux.
Le problème de fond réside dans la désillusion collective face au système multilatéral. Les institutions internationales peinent à répondre aux crises contemporaines, qu'elles soient politiques, économiques ou environnementales. En conséquence, les nations tendent à se refermer sur elles-mêmes, laissant derrière elles un ordre mondial fragmenté. La guerre en Ukraine illustre ce phénomène : malgré le soutien affiché par l’Occident à Kiev, les divisions internes et l’hésitation sur des sanctions plus sévères montrent bien que la solidarité n’est plus inconditionnelle.
Faut-il alors conclure que le monde est définitivement éclaté, chaque entité dérivant selon son propre destin ? Pas nécessairement. Si les alliances traditionnelles s’étiolent, de nouveaux partenariats émergent, souvent moins formels mais tout aussi influents. Cependant, ces nouvelles configurations sont marquées par une volatilité inquiétante : elles se forment et se défont au gré des opportunités, rendant le paysage mondial plus imprévisible.
Dans ce nouvel ordre éclaté, les nations doivent apprendre à naviguer dans un océan d’incertitudes. Si elles ne parviennent pas à redéfinir des cadres de coopération adaptés aux enjeux actuels, le risque est grand de voir le monde sombrer dans un chaos durable. La question reste ouverte : sommes-nous condamnés à l’éclatement ou à l’aube d’un nouvel équilibre encore à inventer ?