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18 avril 2025

CHRONIQUE : La crise à moindres frais ou chronique d’un chaos d’essai- Par A. Laalioui

Publié par A. Laalioui le 18/4/2025

 

Depuis janvier 2025, Donald Trump, semble tester les nerfs de la diplomatie mondiale à coups de ballons d’essai géopolitiques. Une stratégie de provocation aboutissant à une crise dans les rapports internationaux, crise à moindres frais, mais aux  conséquences bien réelles. Lire plus


Dès février, Trump a surpris le monde en évoquant publiquement l’idée d’un rapprochement stratégique avec Vladimir Poutine. Le discours, habilement flou, laissait entendre une alliance circonstancielle visant à contenir l’influence grandissante de Pékin. Une sorte de "Yalta inversé", où Washington et Moscou, autrefois ennemis jurés, trouveraient un terrain d’entente pour faire pièce à la Chine.

Mais cette hypothèse s’est vite heurtée au mur de la réalité. Si Poutine s’est montré prudemment ouvert, la méfiance mutuelle n’a jamais été levée. D’un côté, la Russie joue la carte chinoise depuis des années — notamment en matière énergétique et militaire — et ne voit pas dans Washington un partenaire fiable. De l’autre, les élites américaines, y compris dans le camp républicain, ont peu goûté cette tentative de légitimer le Kremlin au moment où la guerre en Ukraine reste une plaie ouverte en Europe.

En mars, Trump a ressuscité une idée étrange de son premier mandat ;  l’achat du Groenland. Sous couvert d’intérêts stratégiques liés à l’Arctique, il a évoqué cette fois une "coopération renforcée" avec le Danemark, tout en laissant filtrer des documents diplomatiques sur une proposition de leasing à long terme du territoire. Résultat immédiat : indignation à Copenhague, protestations polies mais fermes à Ottawa, et un renforcement inattendu des liens entre le Canada et l’Europe.

Parallèlement, des tensions commerciales ont ressurgi avec l’idée de faire du Canada un État des USA, sur fond de renégociation de l’AEUMC. Les tarifs sur l’aluminium et le bois ont été brandis comme levier, ravivant les vieux réflexes protectionnistes. La diplomatie canadienne, jusque-là patiente, a commencé à resserrer ses liens avec Bruxelles et Tokyo, contournant Washington.

À partir d’avril, la Maison-Blanche a ressorti l’arsenal des taxes douanières. Sous prétexte de sécurité économique nationale, des hausses ciblées ont été appliquées à certains produits chinois, mais aussi à des partenaires européens comme l’Allemagne et la France. Officiellement, il s’agissait de “corriger les déséquilibres”. En réalité, Trump semble surtout vouloir tester les limites de la patience des alliés tout en mobilisant son électorat intérieur.

Les effets ont été immédiats : la Chine a haussé le ton, menaçant de représailles sur les semi-conducteurs et les métaux rares. L’Europe, elle, se crispe. Paris, Berlin et Bruxelles dénoncent une politique erratique et réclament une réponse coordonnée. L'OTAN, sans être directement menacée, paraît en suspens — gelée dans une posture d'attente stratégique.

Face à ce remue-ménage, Pékin n’est pas resté passif. Le ton s’est durci à mesure que les intentions américaines se précisaient. Des manœuvres militaires ont été observées en mer de Chine méridionale, des menaces voilées ont été émises sur Taïwan, et des accords commerciaux accélérés ont été signés avec l’Amérique latine et l’Afrique. Xi Jinping, sans verser dans l’agressivité frontale, semble préparer le terrain à une confrontation froide mais durable.

Le résultat de cette diplomatie expérimentale est double : un affaiblissement du multilatéralisme et un durcissement généralisé des positions. Le Canada et l’Europe s’éloignent de Washington. La Russie joue sur plusieurs tableaux, séduite par le chaos ambiant. La Chine muscle son appareil diplomatique et sécuritaire.

Trump, lui, semble avoir atteint un objectif implicite : installer l’incertitude comme norme. Il ne cherche pas l’escalade directe, mais l’ambiguïté permanente. Une posture qui, à défaut de construire un nouvel ordre mondial, déconstruit méthodiquement l’ancien. Et tant que les coûts restent maîtrisables — sans guerre ouverte, sans crise économique majeure —, la stratégie peut perdurer.

Mais à long terme, cette "crise à moindres frais" pourrait bien se solder par un affaiblissement global de l’influence américaine. Car si tout le monde est mis à l’épreuve, plus personne ne semble vouloir miser aveuglément sur l’Amérique. Et cela, même Trump ne pourra l’ignorer indéfiniment.

 



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