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14 avril 2025

INTERNATIONAL: Trump, Russie et Chine : l’illusion du divorce stratégique- Par G. Amidot


Mots-clés : Trump, Russie, Chine, géopolitique 2025, multipolarité, relations internationales

 Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier 2025, Donald Trump s’est engagé dans une vaste entreprise de redéfinition des rapports de force mondiaux. Plus

Fidèle à sa vision nationaliste et transactionnelle des relations internationales, il entend replacer les États-Unis au centre du jeu mondial en adoptant une stratégie de rupture avec les alliances traditionnelles et en optant pour des partenariats bilatéraux opportunistes. Dans ce contexte, l’un de ses paris géopolitiques les plus audacieux, et sans doute les plus fragiles, repose sur l’idée de détacher la Russie de la Chine afin d’affaiblir ce que certains analystes appellent déjà « l’axe eurasiatique ».

Trump s’inspire d’un vieux réflexe impérial hérité de la Guerre froide : diviser pour mieux régner. L’objectif est simple — mais simpliste — : convaincre Moscou de tourner le dos à Pékin en échange d’un apaisement diplomatique avec Washington, de la levée de certaines sanctions et d’un réengagement commercial progressif. Pour Trump, la Russie serait structurellement plus proche de l’Occident que de l’Orient, et un rapprochement pragmatique suffirait à la faire basculer. Mais cette vision repose sur des postulats profondément erronés, tant en ce qui concerne l’ADN stratégique de la Russie que celui de la Chine.

En réalité, depuis le début de l’année 2025, tous les signes confirment un resserrement méthodique des liens entre Moscou et Pékin. Certes, il n’y a pas eu de visite officielle de Xi Jinping à Moscou au cours de cette période. La dernière rencontre bilatérale en personne entre les deux dirigeants remonte à mars 2023. Pourtant, cette absence d’apparat diplomatique n’a nullement freiné l’approfondissement du partenariat sino-russe.

Dès février 2025, le président chinois a reçu à Pékin Sergueï Choïgou, secrétaire du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie. Lors de cette rencontre, Xi Jinping a réaffirmé l’importance de renforcer la coordination stratégique entre les deux pays dans les affaires internationales. Cette rencontre s’inscrit dans une dynamique de convergence entre deux puissances désireuses de construire un monde post-occidental. Depuis le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai de juillet 2024, la Russie et la Chine multiplient les actions communes en faveur d’un nouvel ordre multipolaire fondé sur la souveraineté des États, la non-ingérence et la fin de l’hégémonie américaine.

Sur le plan économique, la Russie et la Chine poursuivent leur stratégie de dédollarisation avec une efficacité croissante. En mars 2025, plus de 90 % de leurs échanges sont réalisés en roubles et en yuans, illustrant une volonté commune de contourner les circuits financiers occidentaux. Parallèlement, des projets conjoints dans le domaine de l’intelligence artificielle militaire, de la cybersécurité et des systèmes de navigation (Beidou et Glonass) viennent renforcer leur coopération stratégique.

La Russie ne voit aucun intérêt à rompre avec la Chine, qui lui offre un débouché économique vital et un allié diplomatique face aux sanctions occidentales. Quant à Pékin, elle ne cherche plus seulement à protéger son développement : elle agit activement à remodeler les équilibres mondiaux via les BRICS+, la Belt and Road Initiative et une diplomatie accrue dans les régions stratégiques.

Trump semble reproduire la logique de Nixon avec la Chine des années 70, mais inversée et mal appliquée. En croyant pouvoir isoler Pékin par un rapprochement avec Moscou, il pourrait bien renforcer l’axe sino-russe qu’il souhaitait affaiblir. Ce pari géopolitique, fondé sur une compréhension biaisée des rapports de force, risque d’aboutir à un isolement diplomatique croissant des États-Unis sur l’échiquier eurasien.

Publié par Kaleidoscope.ma – Avril 2025